Définition et enjeux

Construction et herméneutique d'une économie de la puissance humaine

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Argent et décroissance

On peut voir l'argent lui-même comme un vecteur d'informations entre différentes unités économiques – qu'il s'agisse des acteurs économiques ou des objets, des biens et des services, économiques. C'est une information particulière, unidimensionnelle et quantitative. Unidimensionnelle car l'information contenue dans l'argent exprimé par le prix se focalise sur la seule valeur économique, sur la valeur produite par les salaires, par le marché, souvent géré par le processus de production capitaliste.

La valeur économique exprimée par les prix n'est pas une mauvaise chose en soi. En tant que signe des salaires, elle peut être une bonne chose puisqu'elle signifie que des salariés (éventuellement hors emploi, comme les retraités, les chômeurs, les vacanciers ou les parents) peuvent vivre, payer leurs factures et entreprendre des projets personnels ou familiaux à prix. En ce sens, la perspective de la décroissance est inaudible pour la plupart des gens. Comment croire que, alors que le quotidien est déjà souvent empoisonné par les frustrations, par la renonciation à des projets légitimes, que la perte de revenus pourrait constituer une perspective politique intéressante ou désirable ? Comment croire à la décroissance alros que la nécessité et la pauvreté poussent déjà à accepter les boulots les plus anti-écologiques ? Le discours anti-salarial est inacceptable pour les pauvres, les travailleurs précaires, les endettés et pour tous les partisans du rêve américains, pour tous ceux qui pensent que, par le travail, on peut s'élever dans la société. Par ailleurs, la décroissance confond les problèmes écologiques – de l'ordre du travail concret, de la production concrète de biens et de services avec les problèmes économiques – de l'ordre du travail abstrait, du salaire et de la valeur ajoutée.

Notre modeste réponse à ce problème à la suite de Bernard Friot, c'est de démocratiser le processus de création de valeur ajoutée en sapant les bases des institutions capitalistes de création de valeur et non de diminuer la création de valeur ajoutée elle-même. Il s'agit de faire de la nécessité (la valeur ajoutée) vertu (une gestion démocratique, salariale de la chose).

Faire diminuer le PIB ne fait pas nécessairement diminuer les nuisances de la production de l'économie réelle : il faut changer les moteurs, le mode d'organisation de l'économique pour en diminuer la nuisance – la réduction du PIB n'est en rien un gage de diminution des nuisances écologiques.

Proposition 39
La diminution du PIB ne fait pas nécessairement diminuer l'empreinte écologique.
Proposition 40
L'empreinte écologique est corrélée au mode de production économique.


Note 25. L'écologie

Chaque progrès de l'agriculture capitaliste est un progrès non seulement dans l'art d'exploiter le travailleur, mais encore dans l'art de dépouiller le sol; chaque progrès dans l'art d'accroître sa fertilité pour un temps, un progrès dans la ruine de ses sources durables de fertilité. Plus un pays, les États-Unis du Nord de l'Amérique, par exemple, se développe sur la base de la grande industrie, plus ce procès de destruction s'accomplit rapidement. La production capitaliste ne développe donc la technique et la combinaison du procès de production sociale qu'en épuisant en même temps les deux sources d'où jaillissent toute richesse: la terre et le travailleur.



K. Marx



L'écologie peut être prise dans l'hypothèse Gaïa qui voit l'être humain comme un ôte ingrat de son vaisseau-terre, elle peut être à l'inverse une préoccupation envers les conditions de vie humaine liées à la dégradation de l'environnement.



Dans un cas comme dans l'autre, c'est la production économique qui est au centre de l'enjeu. C'est elle qui organise le pillage des ressources naturelles (y compris humaines d'ailleurs) et l'externalisation des coûts sur l'environnement, sur la société, sur la communauté.



En économie, face à un dysfonctionnement, on peut avoir deux approches. Soit on regarde les consommateurs, la demande. Dans cette optique, on va encadrer l'activité économique par des lois et pousser les consommateurs à agir de telle ou telle façon. À ce moment-là, pour pousser la logique jusqu'au bout, le salaire soutient la demande et ... dégrade la planète. En poussant jusqu'à l'absurde, il faudrait tous mourir de faim pour pouvoir soutenir la terre!



C'est la logique des labels, de Greenpeace ou du Grenelle de l'environnement. Culpabiliser le consommateur, comprimer le salaire (via les écotaxes, par exemple) et ne pas réguler les entreprises.



Si l'on s'oppose à la convention capitaliste du travail, à l'emploi, il faut prendre le problème par l'autre bout. C'est l'offre qui doit changer - et quand nous parlons de politique de l'offre, ce dont nous parlons n'a évidement rien à voir avec la soumission servile d'un Hollande au productivisme bon marché des patrons-propriétaires qu'on appelle généralement la "politique de l'offre".



On peut imaginer moraliser les acteurs économiques, infléchir leurs politiques par la taxe mais on ne s'attaque pas au cœur du problème. La logique du profit des propriétaires lucratifs explique la logique de l'emploi, la vente de la force de travail par des gens contraints (l'aiguillon de la nécessité). Les producteurs sont contraints d'obéir à la logique du profit (dont ils ... ne tirent pas profit), par la logique de l'emploi. Or c'est cette logique même qui condamne l'écologie aux intentions pieuses, aux gesticulations velléitaires. Dans les mains des propriétaires, l'écologie est une publicité, un argument de vente, guère plus puisque le but de la société de l'emploi, c'est de faire du profit. Au détriment du reste.



On n'attaquera valablement la question de l'écologie que si l'économie devient démocratique, ce qui implique aussi bien la fin de l'emploi, des institutions capitalistes que nous avons définies, que la fin des droits des propriétaires lucratifs des entreprises.



Sans cette démocratisation, l'écologie demeurera une gesticulation culpabilisante contre-productive. Comment adhérer à la compression des salaires (c'est une décroissance!) à l'heure où tant de familles, de gens seuls galèrent (hors et dans l'emploi)? comment cette idéologie peut connaître le moindre écho si elle recommande tacitement de réduire les salaires, individuels ou sociaux, des plus pauvres?



Nous devons réconcilier l'écologie et le salaire et de prendre acte que l'écologie - quelle qu'elle soit - est incompatible avec l'emploi et qu'elle demande nécessairement une démocratisation de l'économie.



La démocratisation de l'économie, c'est le rétablissement de la propriété d'usage des travailleurs (contre la propriété lucrative des actionnaires). Concrètement, il s'agit pour eux de décider ce qui sera produit, comment, dans quelles conditions, comment sera gérée la production, etc.



Dans des conditions de démocratie économique, on imaginerait mal des propriétaires d'usage (sans intéressement à la propriété, à l'activité économique de l'outil de production) décider librement, sans pression financière, d'abîmer leur santé, d'empoisonner leur lieu de vie ou d'externaliser les coûts de la production sur les travailleurs!