Définition et enjeux

Construction et herméneutique d'une économie de la puissance humaine

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Capital et création de valeur

Comme les capitaux ne correspondent plus à rien, ils ponctionnent les salaires, les parasitent alors qu'ils ne créent (sur le long terme pour les capitaux moyens et sur le court terme pour les capitaux extrêmes) absolument aucune valeur économique. Le seul taux d'imposition légitime de la rémunération du capital est donc de 100 % pour en éviter les effets délétères à terme – toute imposition à un taux moindre légitimerait une source de revenus, mettrait le trésor public sous la dépendance des rendements du capital puisqu'il en tirerait profit. Mais la rente, comme elle n'est pas réalisée intégralement, met en danger la production de valeur économique à terme.

Par ailleurs, tous les créanciers ayant épargné sur des revenus du capital, il est économiquement totalement aberrant d'honorer quelque dette que ce soit – le ρ des salaires est de presque 100 %. Un système de coercition qui force des gens pauvres à vendre leur force de travail pour rembourser – et le principal et les intérêts – de receleurs n'a aucune légitimité éthique.

Note 8. les dettes

Face à la perte de pouvoir d'achat, à la stagnation des salaires, les travailleurs américains ont eu recours à l'endettement pour conserver leur niveau de vie, pour acquérir des biens immobiliers à partir du mitan des années 1990. Cet endettement a éclaté parce que, au moment de rembourser les dettes, les salaires américains ne suffisaient pas à solder les comptes. Les dettes ne sont pas des dons : tout ce qui est donné doit être rendu grevé de ses intérêts. Au final, en tenant compte de tous les remboursements à travers le temps, la dette n'augmente pas le niveau de vie ou la capacité de dépense et d'équipement mais les diminue au contraire. En empruntant une somme à un taux d'intérêt, on devra payer cette somme en retour plus les intérêts – on aura dépensé davantage pour acquérir la chose achetée que si on avait pu la payer comptant. Les dettes agissent donc comme des machines à augmenter le prix effectif de toute chose, des machines à grever la part salariale réelle de la valeur ajoutée au profit de la part des rentiers. Les créanciers sont par définition des rentiers et la réalisation de leur capital n'est pas intégrale, ce qui menace le système de production de valeur économique à long terme.



Par exemple, pour rendre la chose concrète, si nous reprenons la formule de calcul des mensualités traditionnelles :



(1) avec m=mensualité ; K=le capital emprunté ; t= taux annuel proportionnel ; n= le nombre de mensualités, on a




Avec cette formule, on constate qu'une personne qui emprunte 100.000€ sur 15 ans à 6 %, payera 180 mensualités de 844€ soit un total de près de 152.000€. Pour le dire simplement, la maison que l'emprunteur aurait dû acheter 100.000€ lui aura coûté dans notre simulation plus de 50 % en plus. Sur les quinze années du crédit, cette somme de 52.000€ ne pourra être consacrée à autre chose : le crédit aura appauvri l'emprunteur.



Les personnes, les institutions ou les pays endettés doivent gagner de l'argent à tout prix pour rembourser leurs créanciers en transformant leur économie en chrématistique, en transformant la gestion de leur appareil productif en art de gagner de l'argent à tout prix. Le remboursement de la dette n'est néanmoins pas toujours jugé légitime, les particuliers et les institutions font faillite et les États font défaut.



Toute dette connaît cette fin-de non paiement parce qu'elle repose sur une fonction mathématique exponentielle. Cette fonction mathématique aboutit à des montants astronomiques, impayables à plus ou moins long terme. C'est pourquoi, périodiquement, pendant l'antiquité aussi bien qu'au Moyen-Âge, des pardons, des acquittements de dette étaient prévus.



En attendant le défaut ou la faillite, la dette pousse à l'emploi. Les employés endettés doivent vendre leur force de travail pour honorer leurs dettes; de même, les propriétaires d'entreprise endettés doivent tirer un maximum de valeur ajoutée en diminuant les salaires. Les dettes poussent à piller les ressources naturelles, à externaliser les coûts de production pour maximiser les bénéfices pour payer les créanciers.



Qu'importe alors que ces créances aient été obtenues en volant les personnes endettées elles-mêmes, les pays endettés bradent leurs ressources, les travailleurs endettés se vendent à vil prix par peur de l'huissier et de la fin du crédit. Les créanciers sont également les propriétaires des usines - ou sont leurs créanciers - qui exploitent les ressources naturelles bradée et les ouvriers endettés. Par la dette, ils maintiennent une pression sur le marché de l'emploi, une pression sur les ressources naturelles, augmentent leurs profits et la logique d'exploitation de l'emploi.



Toute accumulation - au fondement de toutes les créances - est créée en ponctionnant la valeur ajoutée produite par les travailleurs abstraits récipiendaires de salaires, quelle qu'en soit la forme. Au fond, les créanciers avancent l'argent volé aux producteurs à ces derniers qui doivent, du fait de leurs dettes, travailler davantage sous le joug de l'emploi, ce qui baisse le prix de l'emploi et augmente les bénéfices des créanciers, la partie de la valeur ajoutée créée par le producteur qu'ils ponctionnent.



Définition



La dette est détenue par des gens qui ont pu épargner sur leurs revenus. Sans s'attarder sur le petit épargnant qui place des économies en créances de la dette publique16, en obligations, puisque ce petit épargnant va finir par réaliser son capital, dans une voiture, dans une maison ou dans des études pour ses enfants. La partie de la dette publique détenue par les petits épargnants est très faible.



Les gens qui peuvent épargner sont essentiellement des gros revenus - soit des salaires mirobolants, soit des revenus issus des dividendes, éventuellement par le truchement de produits financiers plus ou moins farfelus. Si c'est une épargne issue de salaires mirobolant, elle grève la productivité puisqu'il s'agit d'une partie non dépensée du capital produit; si c'est de l'épargne issue de dividendes, il s'agit d'un vol de valeur ajoutée au producteur.



En tous cas, les créanciers ont obtenu leur argent soit de manière contre-productive, au détriment de la production de valeur économique par les salaires, ce sont alors des boulets dont il faut réduire l'effet délétère sur l'économie, soit par vol. Il faut alors saisir les biens recelés et les restituer à leur légitimes propriétaires, les salariés.



La rémunération de l'argent, le taux d'intérêt était considéré comme de l'usure par les grandes religions. Quand elle n'était pas tout simplement prohibée, elle était strictement encadrée, réglementée. Comme les plus riches détiennent les créances, les taux d'intérêt usuraires concentrent toute la richesse économique dans leurs mains, ce qui, finalement, a toujours grippé la machine économique17.



Les taux d'intérêt sont une pyramide de Ponzi, une escroquerie en cascade car ils sont gagés sur un travail abstrait à venir et sa production marchande par un argent qui ne correspond à aucun travail concret. Par ailleurs, du fait même de l'accumulation sans limite, les taux d'intérêts sabordent l'économie productive et l'efficacité du travail concret. Ils définissent une fonction exponentielle. Qu'on en juge.



Si Don Quichotte avait emprunté un euro à 5%, il devrait rembourser aujourd'hui près de 300 millions d'euros. Une paille.



Si Jésus avait emprunté un euro sur les marchés à 5% également, il devrait aujourd'hui payer 4,508779821×10⁴²€, soit l'équivalent de 1,734146085×10³⁵ tonnes d'or, 29 trilliards de fois la masse de la terre en or pur. Pour un euro, notez-le bien. C'est probablement ce que les économistes vulgaires appellent « vivre au-dessus de ses moyens ».


Proposition 14
Les créances sont le fruit de l'accumulation.
Proposition 15
Avec la proposition 5 et la proposition 14 : les créances sont le fruit de la rente.
Proposition 16
Les créances ne sont pas légitimes en termes économiques.


Comme le salaire est la seule source de valeur économique pérenne et que les intérêts consentis aux propriétaires des outils de production menacent l'économie à long terme, il convient de s'interroger sur le fonctionnement d'une propriété qui permet d'accaparer une partie des fruits du travail d'autrui, une partie de la valeur créée à l'occasion de son salaire. Cette forme de propriété, la propriété lucrative, obère juridiquement la notion de contrat entre parties égales en droit, ce qu'attestent les innombrables réglementations, lois, décrets qui régissent les contrats de travail : le contrat entre deux sujets consentants ne devrait pas être l’objet de tant de lois si c’était des sujets de droit effectivement libres. C'est parce que ces sujets s'inscrivent dans une relation contrainte, asymétrique que toutes ces lois doivent exister. Au regard de cette asymétrie entre la partie contrainte par l'aiguillon de la nécessité et la partie non contrainte, les relations de travail en emploi s'inscrivent en fait sinon en droit dans des relations de subordination et trahissent l'idéal libéral de l'égalité en droit et de la liberté des parties.

C'est tout l'intérêt de la démarche de Bernard Friot qui explore des pratiques de la valeur sans propriété lucrative, sans actionnaire ou sans créancier qu'il faut rémunérer. Cette réflexion a, outre le fait qu'elle rend l'économie pérenne comme nous l'avons vu, l'intérêt d'émanciper le travail18.

Note 9. À l'origine de la valeur

Lors d'une conférence de Bernard Friot, l'économiste exposait l'idée de calculer les prix en multipliant les consommations intermédiaires par un facteur de 1,25 (si ma mémoire est bonne, peu importe). Un auditeur avisé remarqua que, si l'on multipliait les consommations intermédiaires par 1,25, les productions de matières premières ne pourraient pas produire de valeur économique puisqu'elles ne nécessitaient que de la main-d’œuvre, sans consommation intermédiaire. Par suite de ce manque de production de valeur économique, toute valeur économique allait disparaître par contamination. Cette question s'inscrit dans une vision de l'économie comme une pyramide dans laquelle la valeur économique suit un trajet linéaire, montant (du secteur primaire au secteur quaternaire), gonflant à mesure que le travail humain lui donne de l'importance. C'est une vision fort commune – et fort conforme à notre sens commun. Pourtant, après les réflexions que nous a inspirées cette intéressante remarque nous arrivons à la conclusion que toute production de valeur économique est sociale, d'emblée. Les champignons que l'on ramasse sans équipement, sans louer d'emplacement pour les vendre, sans les transporter au moyen d'un véhicule, etc. Les champignons sans consommation intermédiaire sont des champignons qui n'ont déjà pas de prix, ce sont ceux que vous allez cueillir le dimanche en famille pour les rissoler. Les autres champignons, ceux du marché, nécessitent un équipement, un véhicule ; ils doivent être vendus sur un étal (qu'il faut acquérir), sur un emplacement loué. Quant aux champignons industriels, ils nécessitent des investissements lourds, du matériel de haute technologie, un transport mécanisé à l'extrême, etc.



De même, le pétrole, la mine ou l'agriculture sont des secteurs dits primaires dans lesquels la valeur ajoutée est essentiellement le fait des investissements, dans lesquels la rémunération de la main-d’œuvre joue un rôle marginal (sur une ferme, le gros des dépenses part en bâti, en entretien de bâti, en matériel – souvent à haute technologie, même dans une petite exploitation biologique – et en énergie. Si la remarque de l'auditeur avisé est très pertinente pour l'art (dans lequel le salaire est déterminant dans un premier temps) ou la restauration, elle peut certainement se résoudre, si l'on veut mettre au point les propositions de Friot de pratique salariale de la valeur par des ajustements techniques, des modes de calcul spécifiques, un coefficient de 1,25 minimum, etc. Pour ce qui nous concerne, la question ne se pose pas à ce niveau-là. Cette question nous fait découvrir que la valeur économique ne suit pas un parcours linéaire, séquentiel unique mais qu'elle s'inscrit dans un réseau autoréférentiel. Si l'on néglige la valeur ajoutée, le camion qui extrait le minerai de fer a de la valeur parce que le métal qui le constitue a de la valeur et ce métal a de la valeur parce que le minerai en a. In fine, c'est l'ensemble de la valeur économique qui a de la valeur économique parce que la valeur économique … a de la valeur économique. La valeur économique fonctionne comme un crédit auto-référentiel en réseau. Ce crédit auto-référentiel en réseau se nourrit d'éléments extérieurs tels les ressources naturelles et le temps humain. La valeur économique est une tautologie, un solipsisme de réseau.