Définition et enjeux

Construction et herméneutique d'une économie de la puissance humaine

Fichier PDF ici

À nos amis,
à ceux qui ont trouvé
à ceux qui cherchent encore

Note 16. Le protectionnisme et la concurrence

La mise en concurrence des différentes entreprises à travers le monde se traduit par une concurrence sur les prix. Nous avons vu dans la structure de la valeur ajoutée que la seule possibilité de baisser le prix d'une marchandise consiste à en baisser la rémunération salariale – en augmentant le taux d'exploitation (Plus-value/Salaires), en diminuant les salaires et en dégradant les conditions de travail. Un acteur économique qui baisse les salaires fait assurément une bonne affaire à condition que les autres entreprises avec lesquelles il est en concurrence ne fassent pas la même chose. Si les concurrents font tous la même chose au même moment, les acteurs économiques perdent des marchés à mesure que les salaires se contractent, les carnets de commandes se vident et une crise de surproduction se profile. C'est exactement le cas de figure actuel en Europe et, de manière à peine moins certaine, à l'échelle du monde entier. Les tentatives répétées de conquérir de nouveaux marchés par des traités léonins plus ou moins cataclysmiques ne changent rien à l'affaire : les nouveaux marchés sont également saturés et ils amènent également de nouveaux producteurs qui viendront écouler leur surproduction en Europe.
Face aux tentations de libre-échange pour substituer le ε de l'accumulation qui disparaît du PIB, de la valeur ajoutée, le politique peut aussi vouloir, au contraire, fermer les frontières. La fermeture des frontières veut empêcher le ε extérieur d'être réalisé à l'intérieur des frontières et l'ouverture des frontières veut exporter les contradictions du ε intérieur.
Dans un contexte de libre-échange, la concurrence sur les prix des marchandises peut pousser
- à la dévaluation monétaire compétitive – les salaires intérieurs sont alors artificiellement baissés en laissant couler la monnaie nationale

- à la déflation salariale directe – les salaires directs ou les cotisations sociales baissent, les prestations salariales diminuent ou sont assumées par le contribuable qui voit ses impôts augmenter

- à la destruction des droits sociaux – pour ne pas effrayer les investisseurs (dont nous avons prouvé qu'ils ne créent rigoureusement aucune valeur économique mais ils parasitent le processus de création de valeur économique)
- à la protection du capital de rente – pour attirer les investisseurs, cette politique augmente les prix des capitaux spéculatifs comme l'immobilier. L'augmentation des prix de l'immobilier diminue de fait les salaires réels.
Toutes ces politiques impulsées par le libre-échange et la libre-concurrence sont nécessairement des guerres au salaire – ce qui, nous l'avons vu, contracte le PIB et compromet l'économie sur le long terme.

La lassitude populaire qu'engendrent les souffrances générées par ces politiques de clochardisation du pays peut entraîner les élites dirigeantes dans une autre voie, celle du protectionnisme. Il nous faut insister d'emblée sur le caractère politiquement délicat du protectionnisme : les voisins, les partenaires commerciaux qui se débattent avec leur ε vont voir d'un mauvais œil la perte de débouchés. Des guerres ont déjà éclaté pour moins que cela. En outre, le protectionnisme peut rater son objectif si le pays cadenassé se débat avec son accumulation nationale, son ε, sans débouchés extérieurs pour l'écouler, pour remplacer le manque à gagner que cette accumulation représente pour le PIB. C'est précisément dans cette situation que risque de s'imposer la voie de la guerre.
Le protectionnisme ne résout pas les problèmes propres à l'accumulation capitalistique et amène d'autres problèmes : le risque d'une guerre. Il est vrai que, pour lever les contradictions de l'accumulation, on peut périodiquement détruire une partie du stock de valeur économique (par une guerre, par exemple, ou par une crise immobilière) ce qui assainit très provisoirement la dynamique de la création de valeur économique.

Face aux contradictions de l'ε, il faut résoudre le problème de l'accumulation. Il faut
- consacrer l'intégralité du PIB au salaires

- ôter à la propriété tout caractère vénal, lucratif.
Il est peut-être délicat de le faire à échelle régionale ou nationale dans un contexte de libre-échange mais l'absence de rémunération du capital rend la production salariale très compétitive en terme de coût. Par ailleurs, il est symptomatique que les pays dont les salaires (individuels et sociaux) sont les plus élevés ne sont pas nécessairement ceux où il y a le plus de chômage.
En tout état de cause, si, dans le cadre d'une politique favorable aux salaires, une taxe devait limiter la circulation de produits en provenance de l'étranger, il faudrait que cette taxe soit

- intégralement consacrée aux salaires

- perçue comme peu hostile par les partenaires commerciaux étrangers

- une source de résolution des sources de la contradiction ε des partenaires commerciaux (sans quoi, leurs propres contradictions les pousseront toujours sur le sentier de la guerre).
Pour ce faire, nous ne voyons qu'un seul type de protectionnisme envisageable, le protectionnisme amical (et il n'est pas certain qu'une pratique salariale de la valeur, qu'une économie libérée du joug de la propriété lucrative, doive y passer), celui d'une taxe intégralement reversée au pays partenaire commercial sous forme de salaire socialisé versé à ses travailleurs dans l'emploi ou hors de l'emploi. Un embryon de ce que pourrait être un protectionnisme amical existe déjà en Belgique avec la sécurité sociale d'outre-mer (OSSOM). Des travailleurs à l'étranger cotisent dans une caisse qui leur assure les mêmes prestations que celles de travailleurs sur le territoire national. Il suffirait d'en étendre l'usage aux non-nationaux.