Définition et enjeux

Construction et herméneutique d'une économie de la puissance humaine

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Note 27. Les chômeurs et les fonctionnaires créent la valeur ajoutée correspondant à leur salaire

Que nos courageux lecteurs nous pardonnent cette démonstration laborieuse. Il nous faut partir des fondements de l'économie politique pour tenter de comprendre ce qui se passe quand un salaire socialisé est touché par un chômeur, un fonctionnaire, un retraité ou un invalide.

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Il nous faut d'abord reprendre la distinction entre la valeur d'usage et la valeur économique. L'économie s'occupe de production de valeur d'échange, non de valeur d'usage. L'employé est payé non pour produire des biens et des services (s'il en produit, c'est de manière, paradoxalement, accessoire), il est payé pour produire une valeur ajoutée. Cette valeur ajoutée peut ne correspondre à aucune valeur humaine produite - valeur en terme de besoins ou de désirs matériels ou non.

Prenons l'exemple d'une compagnie ferroviaire quelconque. Elle gère des infrastructures de transports, du matériel roulant, du transport de marchandises et de personne. Tous ces différents secteurs se rendent mutuellement service sans qu'il y ait facturation. Dans le cadre de la privatisation du rail anglais, les différentes sections ont facturé leurs prestations aux autres ce qui a créé de la valeur ajoutée sans le moindre supplément d'activité ou de service produits.

La convention du travail porte sur une création de valeur (économique) ajoutée, non sur la façon, l'ouvrage ou la réalisation de biens et de services en particuliers. On peut être payé pour saboter, pour abîmer, pour gâcher, pour salir, pour polluer ... ce qui ôte de la valeur d'usage au cadre de vie de la communauté. De sorte qu'un couvreur n'est pas payé pour faire un toit mais pour produire de la valeur économique ajoutée par le biais de chantier. Ceci a l'air anodin mais ne l'est pas du tout puisque la logique de la valeur d'usage voudrait que le toit fût correctement effectué alors que la logique de la valeur économique exige que l'ouvrage soit réalisé le plus rapidement possible et que les défauts de façon soient couverts par l'assurance ou invisibles. Si le toit, source de profit, ne fuit pas, c'est tout à fait fortuit.





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L'emploi est une convention qui rémunère des gens, les employés, contre un salaire. Cette rémunération sanctionne la création de valeur ajoutée que génère leur activité. La valeur ajoutée, c'est le prix moins les frais.

(5.2)
Prix=Frais+Valeur ajoutée (VA)

Dans la valeur ajoutée, créée par le seul travail (le capital ne crée pas de valeur, essayez d'enterrer une boîte à chaussure remplie d'argent et, au bout d'un an, vous n'aurez absolument aucune bonne surprise).

Cette valeur ajoutée est constituée

- des salaires (individuels et socialisés)

- des investissements qui appartiennent aux propriétaires lucratifs alors qu'ils sont produits, comme nous le voyons, par le travail comme valeur ajoutée

- des dividendes reversées aux propriétaires lucratifs comme gabelle, ces propriétaires peuvent être des propriétaires directs, des actionnaires ou des créanciers.
(5.3)

VA = Salaires (ind. et socialisés) + Investissements + Dividendes

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La totalité des valeurs ajoutées à l'échelle d'un pays constitue le PIB (ou PNB selon qu'on tienne compte du territoire ou des nationaux).





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 Les salaires sont constitués par les salaires socialisés et par les salaires individuels. Les salaires individuels figurent sur les fiches de paie. Ils sont néanmoins amputés par les TVA sur la consommation.

Les salaires socialisés sont constitués de

- la sécurité sociale attestée par la cotisation sociale

- les salaires des fonctionnaires attestés par les impôts.
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Les salaires sociaux ne coûtent rien aux salaires individuels.

Cette notion est peut-être la plus délicate à comprendre dans la démonstration.

Nous avons plusieurs éléments de preuve: quand on rajoute une cotisation sociale ou que l'on l'augmente, l'augmentation se répercute par une augmentation du PIB, pas par une diminution de salaire individuel.

D'autre part, quand un salaire individuel est amputé de cotisation sociale (c'est le cas, à des degrés divers, de tous les 'contrats aidés', de tous les contrats 'jeunes' et autres monstruosités anti-sociales), on voit que le salaire individuel n'augmente pas (voire diminue).

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Les salaires sociaux soutiennent les salaires individuels. Ceci est plus simple à comprendre, plus intuitif. Si les chômeurs ou les retraités perdent toute allocation, ils vont chercher un travail à tout prix - y compris au prix du salaire. Ces malheureux vont inéluctablement pousser les salaires de leurs collègues à la baisse.

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Les salaires - individuels ou sociaux - sont dépensés quasiment intégralement (contrairement aux dividendes). Un salaire dépensé l'est en tant que valeurs ajoutée de certaines productions. Mettons que je dépense mon chômage, mon salaire fonctionnaire ou mon salaire ouvrier à acheter des machins, l'achat de ces machins crée une valeur ajoutée, permet de transformer une production en capital à des entreprises qui, du coup, peuvent tourner.

De ce fait, quand les salaires augmentent (et nous ne distinguons pas les salaires individuels et les salaires socialisés dans notre raisonnement), la valeur ajoutée au terme du processus de production augmente

(5.4)
M'>M avec C'>C


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Quand on met ces éléments ensemble, on constate que le chômeur, le retraité ou le fonctionnaire créent le salaire socialisés qu'ils touchent ou, pour le dire autrement, s'ils cessaient de toucher leurs indemnités, elles iraient dans un premier temps aux dividendes. Comme les entreprises sont en concurrence entre elles, elles seraient finalement amenées à diminuer leur taux de bénéfice ce qui ramènerait les valeurs ajoutée à leur niveau de départ diminué des salaires sociaux.

Donc, les gens qui touchent les salaires sociaux les créent. Si on supprime ces salaires sociaux, on ampute le PIB d'autant sans que personne n'en profite.

Harribey a démontré que les impôts augmentaient les prix, la valeur ajoutée et le PIB. Tout se passe comme si toutes les entreprises en concurrence devaient intégrer leurs impôts en plus de leur prix et, comme ils le font tous, c'est sans effet sur les positions concurrentielles relatives mais l'augmentation de prix nourrit la valeur ajoutée au niveau global, le PIB. Comme la valeur ajoutée représente à peu près un cinquième du total des prix, l'augmentation des impôts ou des cotisations de trente pour cent, par exemple, fera augmenter les prix de six pour cent seulement dans un premier temps.

Friot montre que les cotisations sociales fonctionnent de la même façon : elles sont un ajout de valeur ajoutée et non une quelconque ponction.

Il y a mieux: comme les salaires se contractent, si l'on diminue les salaires sociaux, la demande diminue. Comme la demande diminue, la valeur ajoutée totale diminue, ce qui pousse à comprimer les salaires, comme les salaires sont diminués, la demande se contracte, etc.

C'est ce qu'on appelle une crise de surproduction.