Définition et enjeux

Construction et herméneutique d'une économie de la puissance humaine

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Note 9. À l'origine de la valeur


Lors d'une conférence de Bernard Friot, l'économiste exposait l'idée de calculer les prix en multipliant les consommations intermédiaires par un facteur de 1,25 (si ma mémoire est bonne, peu importe). Un auditeur avisé remarqua que, si l'on multipliait les consommations intermédiaires par 1,25, les productions de matières premières ne pourraient pas produire de valeur économique puisqu'elles ne nécessitaient que de la main-d’œuvre, sans consommation intermédiaire. Par suite de ce manque de production de valeur économique, toute valeur économique allait disparaître par contamination. Cette question s'inscrit dans une vision de l'économie comme une pyramide dans laquelle la valeur économique suit un trajet linéaire, montant (du secteur primaire au secteur quaternaire), gonflant à mesure que le travail humain lui donne de l'importance. C'est une vision fort commune – et fort conforme à notre sens commun. Pourtant, après les réflexions que nous a inspirées cette intéressante remarque nous arrivons à la conclusion que toute production de valeur économique est sociale, d'emblée. Les champignons que l'on ramasse sans équipement, sans louer d'emplacement pour les vendre, sans les transporter au moyen d'un véhicule, etc. Les champignons sans consommation intermédiaire sont des champignons qui n'ont déjà pas de prix, ce sont ceux que vous allez cueillir le dimanche en famille pour les rissoler. Les autres champignons, ceux du marché, nécessitent un équipement, un véhicule ; ils doivent être vendus sur un étal (qu'il faut acquérir), sur un emplacement loué. Quant aux champignons industriels, ils nécessitent des investissements lourds, du matériel de haute technologie, un transport mécanisé à l'extrême, etc.

De même, le pétrole, la mine ou l'agriculture sont des secteurs dits primaires dans lesquels la valeur ajoutée est essentiellement le fait des investissements, dans lesquels la rémunération de la main-d’œuvre joue un rôle marginal (sur une ferme, le gros des dépenses part en bâti, en entretien de bâti, en matériel – souvent à haute technologie, même dans une petite exploitation biologique – et en énergie. Si la remarque de l'auditeur avisé est très pertinente pour l'art (dans lequel le salaire est déterminant dans un premier temps) ou la restauration, elle peut certainement se résoudre, si l'on veut mettre au point les propositions de Friot de pratique salariale de la valeur par des ajustements techniques, des modes de calcul spécifiques, un coefficient de 1,25 minimum, etc. Pour ce qui nous concerne, la question ne se pose pas à ce niveau-là. Cette question nous fait découvrir que la valeur économique ne suit pas un parcours linéaire, séquentiel unique mais qu'elle s'inscrit dans un réseau autoréférentiel. Si l'on néglige la valeur ajoutée, le camion qui extrait le minerai de fer a de la valeur parce que le métal qui le constitue a de la valeur et ce métal a de la valeur parce que le minerai en a. In fine, c'est l'ensemble de la valeur économique qui a de la valeur économique parce que la valeur économique … a de la valeur économique. La valeur économique fonctionne comme un crédit auto-référentiel en réseau. Ce crédit auto-référentiel en réseau se nourrit d'éléments extérieurs tels les ressources naturelles et le temps humain. La valeur économique est une tautologie, un solipsisme de réseau.