Définition et enjeux

Construction et herméneutique d'une économie de la puissance humaine

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III L'Inflation


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Le PIB est lié à la valeur ajoutée. Il est aussi possible d'ajouter de la valeur économique par création monétaire, par émission de monnaie en liquide, sous forme numérique ou sous quelque autre forme. Il importe à ce stade de notre réflexion sur la seule valeur économique, sur la violence sociale cristallisée dans la production de biens et de services, de comprendre l'inflation. La création monétaire offre d'immenses perspectives mais elle est susceptible d'être inflationniste.

On peut, en tout état de cause, s'interroger sur la pertinence de l'obsession anti-inflationniste des politiques dites monétaristes. Si le salaire passe de 100 à 110, si les prix à la consommation passent de 100 à 110, si la valeur des comptes épargnes passe de 100 à 110 et si la valorisation immobilière passe elle de 100 à 110, il y a bien techniquement inflation avec un effet sur les prix mais elle ne modifie ni la nature de la valeur économique, ni ce qu'elle implique comme activité, ni la création de valeur économique, ni le fonctionnement de l'économie concrète. Si les prix augmentent, si les salaires augmentent et si l'épargne est rémunérée à hauteur de l'inflation, l'inflation ne pose pas nécessairement problème. Quand les prix augmentent moins vite que les salaires et dépassent la rémunération de l'épargne, cela ne pose pas non plus de problème à long terme pour l'économie puisque une inflation de ce type annule le caractère exponentiel des fonctions d'accumulation du capital moyen.

Proposition 17
La seule inflation problématique est l'inflation salariale, c'est le fait que les salaires baissent en valeur réelle.

Non considérerons comme problématique du point de vue de l'économie telle que nous l'avons définie au premier chapitre et dans l'introduction la seule inflation qui affecte les salaires, qui en diminue la valeur effective. Cette inflation diminue les salaires réels, ce qui contracte l'économie, le PIB réel. Par réel, j'entends le pouvoir d'achat, le confort ou le niveau de vie que permet un salaire ou un PIB donné. Pour prendre un exemple simple, quand la France est passée du franc à l'euro, son PIB numéraire a été divisé par 6,6 alors que ce chiffre correspondait à une production de valeur économique, à une production de biens et de services inchangée, alors que l'ensemble des valeurs ajoutée organisait une violence sociale identique en dépit du changement de devise. Inversement, si les salaires augmentent en chiffre mais diminuent en terme de valeur correspondant, l'ensemble du PIB réalisé va diminuer en valeur économique à terme, ce qui génère une crise. Nous nommerons ce type d'inflation, l'inflation des prix qui affecte les salaires, l'inflation salariale – à ne pas confondre avec l'augmentation généralisée des salaires qui fera l'objet d'une réflexion ultérieure. Répétons-le, si l'inflation des prix s'accompagne d'augmentation des salaires à proportion, elle n'est en rien problématique. Ce type d’inflation a tendance à diminuer les prix à l’exportation – ce qui favorise l’industrie nationale par rapport à ses compétiteurs étrangers – et à augmenter les prix à l’importation – ce qui a l’effet inverse.

Nous considérerons comme problématique la seule inflation salariale. L'inflation qui diminue la valeur des comptes épargne, du patrimoine mobilier ou immobilier, ne sera pas considérée comme problématique de notre point de vue puisqu’elle augmente le taux de réalisation du capital. Cette inflation est induite quand la quantité de valeur économique de biens et de marchandises demandée est supérieure à la quantité de biens et de marchandises (en valeur économique) offerte par l'ensemble de la production d'un ensemble monétaire donné. En soi, non seulement, elle ne pose de problème par rapport à l'efficience de l'ensemble des outils de production mais « l'euthanasie du rentier1 » a comme intérêt d'augmenter la réalisation globale de la valeur ajoutée produite – le ε diminue – et, ce faisant, de pérenniser, de sécuriser le fonctionnement de l'économie productive sur le long terme. En disant cela, nous ne nous interdisons pas d'évaluer la pertinence de la prolongation du fonctionnement de l'économie productive. Cela point sera traité ultérieurement.

Études des causes de l'inflation salariale


Les causes de cette inflation salariale sont à chercher du côté de la baisse de l'offre ou de l'augmentation de la demande. Avant d'examiner le fonctionnement de l'inflation salariale en général, nous allons en examiner trois causes certaines – la crise de surproduction, la guerre et la dette en devises étrangères – et une cause possible – la création monétaire.

Surproduction et austérité

L'importance du taux de concentration du capital (moyen ou extrême) obère l'outil industriel. Les salariés dans l'emploi et hors emploi ne peuvent plus soutenir l'appareil productif par leur demande salariale et, à partir du moment où l'appareil productif s'effondre, la rare production qui demeure devient impayable pour les rares salariés épargnés. Étrangement, cette inflation salariale au sens où nous l'avons défini correspond à une diminution des prix et à un effondrement des salaires. Pour prendre un exemple qui parle aux Espagnols ou aux Grecs, si les prix baissent de 20 % et les salaires baissent de 60 %, il y a bien une inflation salariale en dépit de la baisse des prix, en dépit de la déflation technique. Les gens s'appauvrissent en Espagne et en Grèce au moment où nous écrivons ces lignes, la demande s'effondre dans ces pays, la machine économique se grippe et le chômage, la misère se généralisent.

Proposition 18
Une politique dite d'austérité crée de l'inflation salariale et de la déflation des prix. Elle rend les dettes impayables.


Cette inflation salariale est induite par la guerre aux salaires, par les mesures dites de rigueur dans les années 1980 puis d'austérité depuis les années 2000 qui contractent globalement les salaires, rendant les biens et les services inaccessibles aux salariés.

Note 10. La surproduction et la crise (rappel)

La surproduction, c'est une crise liée à la hausse de productivité. Comme toutes les entreprises sont en concurrence, elles tentent d'augmenter leur productivité, leur production horaire de valeur ajoutée. Pour ce faire, elles compriment les salaires et, comme toutes les entreprises agissent de la même façon, au bout du compte, elles deviennent toutes plus productives alors que les salaires sont globalement diminués.



En terme de valeur économique, les gains de productivité sont annulés par la déflation, les calculs individuels, égoïstes des entrepreneurs vont contre leurs intérêts économiques macro-économiques: en comprimant individuellement les salaires pour réduire les coûts de leur entreprise et l'emporter face à la concurrence, les patrons sapent la solvabilité de leur clientèle à tous, c'est-à-dire leur potentiel à tous à produire de la valeur ajoutée de vendre, d'écouler leur production.



La demande repose d'abord sur les salaires, notamment les petits salaires puisqu'ils sont intégralement dépensés et beaucoup moins sur les gros salaires ou sur les dividendes sujets à épargne.



L'offre, par contre, dépend de la valeur ajoutée dans son ensemble. La surproduction, c'est quand la demande ne parvient pas à suivre l'offre.



Comme les salaires sont moindres, les marchandises produites ne trouvent plus acheteurs, ce qui contraint les entreprises à licencier, ce qui diminue les salaires, via la pression du chômage, chose qui diminue le chiffre d'affaire, la valeur ajoutée des entreprise. De ce fait, comme les salaires sont comprimés, la demande est anémiée: les marchandises ne peuvent trouver preneurs, etc.



L'austérité est justifiée par la dette et par l'équilibre des comptes publics. La dette est détenue par des gens qui ont pu épargner sur leurs revenus. Nous l'avons vu, les gens qui peuvent épargner sont essentiellement des gros revenus - soit des salaires mirobolants, soit des revenus issus des dividendes, éventuellement par le truchement de produits financiers plus ou moins exotiques. Si c'est une épargne issue de salaires mirobolants, elle grève la productivité puisqu'il s'agit d'une partie non dépensée du capital produit ; si c'est de l'épargne issue de dividendes, il s'agit d'un vol de valeur ajoutée au producteur.

Nous avons donc une dette publique qui justifie une série de mesures d'austérité. Voyons en quoi consistent les politiques d'austérité.

Elles réduisent les dépenses publiques, c'est-à-dire la partie de la valeur ajoutée qui correspond à la reconnaissance de la valeur créée hors du marché de l'emploi par les fonctionnaires. Cette mesure pousse une partie des fonctionnaires au chômage, ce qui les oblige à se mettre sur le marché de l'emploi.

L'austérité ampute également les budgets sociaux, les prestations de la sécurité sociale dues aux chômeurs ou aux retraités. Ces coupes ont comme effet de diminuer le PIB, la valeur ajoutée nationale et elles privent de reconnaissance économique une série d'agents économiques hors de l'emploi. De nouveau, les sexagénaires et les chômeurs sont poussés à accepter n'importe quel emploi à n'importe quel prix sur le marché de l'emploi.

Comme les chômeurs, les anciens-futurs retraités et les anciens fonctionnaires cherchent de l'emploi à tout prix, les salaires des employés diminuent du fait de l'austérité. Ceci grève la productivité nationale, fait baisser le PIB et prolonge la crise économique.


Au final, les politiques d'austérité favorisent l'emploi et tuent le salaire. Elles

- font baisser les salaires, notamment les salaires socialisés, indépendants du marché de l'emploi

- interviennent dans la lutte entre les producteurs et les propriétaires à l'avantage des seconds

- poussent les actifs à se vendre sur le marché de l'emploi

- diminuent les revenus publics (alors qu'elles sont censées éponger des dettes)

- diminuent les revenus nationaux (ce qui rend le pays moins solvable et les dettes plus compliquées à honorer).

Souvent, les politiques d'austérité s'accompagnent de dégradations des conditions de travail, de recul du droit du travail et d'appauvrissement des travailleurs. Elles n'ont pas d'effet positif sur les comptes publics mais pourrissent le rapport du force dans le monde de l'emploi, elles permettent de sauver, d'augmenter les dividendes alors que l'économie sombre et que les employés sont de plus en plus exploités - mais c'est peut-être là leur véritable objectif. En favorisant l’accumulation au détriment de la réalisation du capital par les salariés, les politiques d’austérité sapent tous les fondements de l’économie productive et rendent les dettes impaybles du fait de la déflation des prix qu’elles induisent.


La guerre


En cas de conflit armé, un pays concentre sa production sur l'économie de guerre, sur la production d'arme, de munition ou d'autres produits plus ou moins techniques pour faire la guerre. Cette production de guerre disparaît pour la demande civile intérieure demeurée, elle, inchangée. La guerre fait donc augmenter les prix par rapport aux salaires et constitue une baisse de pouvoir d'achat pour les salariés. On en voit dans toutes les guerres qui font travailler leurs enfants, qui mangent des aliments méprisés ou qui sautent des repas, qui se promènent en guenille, qui ne peuvent se soigner ou investir dans l'éducation de ses enfants.

La guerre est toujours une guerre au salaire. Ce sont toujours les salariés qui voient leur niveau de vie, leur niveau de rémunération baisser, qui voient l'aiguillon de la nécessité se faire plus piquant, qui voient leur liberté se dissoudre, qui voient leurs conditions de vie et de travail se dégrader. De même, la guerre aux salaires que mènent les employeurs a toujours débouché soit sur des guerres armées soit sur l'abandon de cette politique.

Note 11. La mort cyclique annoncée du laisser-faire (Polanyi)2

Le laisser-faire, le libéralisme économique croule de manière cyclique sous le poids de ses contradictions. Il dégénère en guerres atroces ou en régime autoritaire. Cette description du fonctionnement de l'économie libérale au sortir du conflit le plus abominable qu'ait connu le vieux continent glace les sangs au moment où, après quarante années de laisser-faire, de dérégulation, de libéralisation des échanges et de désinvestissement de l'État dans l'économie, le contexte politique actuel s'apparente de plus en plus avec celui qui a vu naître la seconde guerre mondiale.



C'est que la dérégulation et le désinvestissement de l'État font naître les contradictions économiques de l'accumulation et de la concentration. La concentration mine les bases de la libre-entreprise et le laisser-faire, la dérégulation, accentue les effets de cycles, de crises spéculatives qui obèrent l'économie productive.



Le cycle se déroule toujours de la même façon, que ce soit pour la première guerre mondiale, pour la seconde ou pour les crises antérieures. Les thuriféraires du laisser-faire prônent la liberté d'entreprendre. Ils acquièrent peu à peu de l'importance puisqu'ils sont soutenus et financés par les capitalistes les plus riches. Leur point de vue s'impose progressivement et, avec lui, l'État se retire de l'économie, il cesse d'intervenir dans la répartition salariale ou dans l'encadrement de l'activité économique. Les contradictions économiques se font jour sous forme de crise économique laquelle se résout immanquablement par un retour de l'État, de la régulation et de l'intervention salariale au terme d'une période de famine, de faillites, de guerres ou de fascisme. Ce retour de l'autorité régulatrice a toujours été constaté depuis la plus haute antiquité mais il peut être brutal, féroce ou humaniste ; nous pouvons avoir le Front Populaire ou Hitler. En voyant les différentes option du retour de l'État et de la régulation, l'enjeu de la nature de la fin du laisser-faire économique est considérable.



La mécanique du cycle est tellement imparable qu'elle correspond en tous points au cycle actuel de libéralisation (depuis les années 1970) et de crise (depuis les années 2000), que la montée de formes nouvelles d'autoritarismes politiques s'accentue alors que les interventions se multiplient pour appeler au retour et de la régulation et de l'intervention politique.





Au cours des deux derniers siècles, les guerres ont touché de plus en plus de civils proportionnellement – et, monsieur de La Palisse ne me contredirait pas, de moins en moins de militaires. La guerre de 14 était une boucherie militaire, la guerre de 40 a fait de nombreuses victimes, aussi bien militaires que civiles, la guerre du Vietnam a tué davantage de civils mais la guerre en Irak n'a touché pour ainsi dire que des civils. On peut alors assister, au sortir de la guerre comme au sortir des épidémies de peste au moyen-âge, à une baisse de la demande qui favorise une augmentation des salaires par rapport aux prix. Les bras se font rares dans un tissu industriel en friche, les plus nantis soutiennent la demande, ils doivent investir dans les salaires – et, à défaut, ils abandonnent toute production et toute valorisation de leur capital. La pression sur le marché du travail en faveur des travailleurs permet alors d'augmenter les salaires et d'améliorer les conditions de travail sans entrer dans une spirale d'inflation salariale.

Proposition 19
La guerre crée une inflation salariale


Ce rapport de force favorable aux producteurs se produit nécessairement dans une économie en reconstruction après une guerre, une économie dans laquelle la demande de main-d’œuvre est forte ou dans un contexte de létalité élevée, au sortir des épidémies ravageuses, par exemple. Ne nous y trompons cependant pas : la nécessité économique de la valorisation salariale que nous avons démontrée plus haut, la nécessité d'expropriation du capital peut s'imposer dans des contextes beaucoup moins dramatiques.

La dette en monnaies étrangères


À la fin des années 1920, l'Allemagne avait contractée des dettes de guerre impayables. Ces dettes étaient libellées en monnaie étrangère. Une dette en devise nationale peut être facilement épongée par l'inflation des prix ou, plus simplement encore, par ce qu'on appelle la monétisation. La monétisation, c'est le fait de créer de la monnaie – que ce soit de la monnaie papier ou de la monnaie électronique, peu importe – et de rembourser la dette au moyen de cette monnaie créée.

Quand nous parlons d'inflation ici, nous réfléchissons ici à la seule augmentation des prix, qu'elle soit accompagnée d'inflation salariale ou non. Nous l'avons dit, ce type d'inflation, appelons-la l'inflation des prix, ne pose pas de problème dans la mesure où elle ne s'accompagne pas d'inflation salariale. Les prix augmentent, les salaires augmentent, les loyers augmentent, tout augmente, ce qui diminue le poids de la rente sauf à avoir une explosion des taux d'intérêt. L'inflation diminue mécaniquement le poids de la dette parce que, comme les revenus augmentent, comme les prix augmentent, le pouvoir d'achat d'une somme épargnée, d'un capital baisse sauf si les taux d'intérêt sont très élevés. L'investisseur, le capitaliste perd de l'argent avec l'augmentation des prix, avec l'inflation économique.

Note 12. L'inflation fait fondre la dette

Par rapport à la dette, imaginons que la France ait une dette de 150 % de son PIB avec un taux d'intérêt de 5 %. Si l'inflation économique ne va pas de pair avec une inflation salariale, si cette inflation atteint par exemple 20 % par an, l'ensemble des salaires va augmenter d'autant et, avec eux, le PIB de l'année suivante. Si le PIB vaut 100 milliards, par exemple, la dette va passer de 150 à 157,5 milliards pendant que le PIB passe de 100 à 120 milliards. L'année suivante, le PIB passe de 120 à 144 milliards et la dette de 157,5,5 à 165 milliards.



En cinq ans, sans rien faire, sans débourser le moindre centime ni pour l'intérêt ni pour le principal, sans imprimer le moindre billet, le PIB aura presque atteint 250 milliards alors que la dette sera à 191 milliards, une proportion beaucoup plus supportable (la dette représente alors 76% du nouveau PIB). En dix ans, le PIB atteint 619 milliards et la dette 244 milliards, la dette s'élève alors à 39 % du PIB : la dette a disparu en tant que problème budgétaire sans que personne n'ait payé un centime, ni en principal, ni en intérêt.



Si ce scénario vous semble étrange, rappelez-vous que c'est exactement celui qui a été mis en place à la fin des années 1940 en France à un moment où les salaires augmentaient en termes réels, à une période où il n'y avait pas d'inflation salariale, où l'inflation des prix était forte. La gigantesque dette publique à la Libération s'est évaporée de la sorte, sans aucun effort. Par contre, cette option qui préserve les salaires et l'activité économique a le tort de diminuer la valeur réelle de l'épargne, des avoirs capitalistes. Les intérêts des détenteurs de capital s'opposent à l'inflation des prix. Les capitalistes prônent une politique monétariste, une politique de préservation de la valeur de l'argent, au détriment de la valeur des salaires et de l'activité économique. C'est le choix du « consensus de Washington » imposé aussi bien en Europe que dans le tiers-monde par le truchement de mécanisme de crédit internationaux. L’inflation des prix au Venezuela est un cas particulier : l’inflation des prix touche les salaires tant elle est élevée mais les classes propriétaires protègent leurs avoirs en les plaçant à l’étranger, en devises étrangères. Paradoxalement, dans cette situation, la combinaison d’un hyper-endettement en devise nationale et d’une hyper-inflation des prix et sans inflation salariale pourrait être la solution à la dévitalisation économique subie par le pays. Ce serait une manière élégante de réaliser les avoirs des propriétaires et de les convertir en salaires.


Proposition 20
L'inflation des prix diminue mécaniquement les dettes.
Proposition 21
L'inflation des prix ne crée pas nécessairement d'inflation salariale.
Proposition 22
La dette dans une devise qui empêche la monétisation et l'inflation des prix définit une fonction exponentielle – elle est de toute façon impayable à terme.


Par ailleurs, comme la banque nationale imprime les billets (ou crédite les comptes des banques privées), il lui est facile d'imprimer de l’argent ou de créditer les comptes comme elle veut. Elle peut alors facilement imprimer le montant de la dette en espèce ou en bits ou sous quelque forme que ce soit. Les créanciers se paient et les pouvoirs publics sont alors libérés de tout taux d'intérêt. Si la monétisation n'a pas les faveurs des économistes vulgaires, il faut tout de même lui reconnaître un mérite : elle sabote le processus de concentration capitalistique ce qui augmente la part relative des salaires dans le PIB – facteur qui augmente le PIB réel, nous l'avons vu et stimule le tissu économique.

Par contre, quand la dette est détenue en devises étrangères ou dans une monnaie locale sanctuarisée, telle l’euro, ni l'inflation économique intérieure, ni la monétisation de la dette par la banque nationale ne sont possibles. Quand les leviers de l'inflation et de la monétisation sont en panne, il y a alors nécessairement une crise de la dette. Le pays endetté va devoir détourner une partie de la valeur ajoutée produite annuellement pour payer ses créanciers et les intérêts. L'offre de biens et de services en valeur ajoutée est alors mobilisée pour rembourser une dette impossible à rembourser. Il y a rupture entre une demande inchangée et une offre intérieure anémiée – c'est l'inflation salariale. Les créanciers sont servis avant les salariés. Dans cette situation, celle de l'Allemagne de la fin des années 20, les entreprises convertissent leurs avoirs en devises étrangères ce qui renforce le phénomène d'augmentation des prix via la dépréciation de la monnaie nationale. Au niveau national, la production économique s'oriente donc vers l'extérieur pour trouver une demande solvable. Le pays ruiné devient un atelier au rabais pour les pays créanciers, ce qui correspond à l’effarant projet économique de la troïka pour la Grèce, l’Espagne ou la France, par exemple.

Il nous faut bien insister sur trois points par rapport à cette notion d'inflation salariale liée à une dette en devise étrangère ou en monnaie sanctuarisée.

D'abord, nous rappelons que l'inflation salariale induit une crise de surproduction puisque les salariés ne peuvent plus acheter les productions de biens et de services – ce qui induit une cessation des activités industrielles, un chômage de masse et un effondrement de la production.

Ensuite, une déflation économique peut cacher une inflation salariale – comme en Espagne ou en Grèce pour le moment. Les prix stagnent – ils peuvent même baisser, il s'agit alors d'une déflation des prix – mais les salaires baissent davantage. L'inflation salariale correspond à une baisse des salaires réels, à une baisse de la valeur économique des salaires. Comme les salariés forment l'essentiel de la demande de biens et de services à prix, la baisse de la valeur économique de leurs salaires contracte la demande intérieure en terme de valeur économique. En termes réels, les salaires baissent malgré la baisse des prix, ce qui correspond également à une inflation salariale, problématique de notre point de vue.

Enfin, la notion de dette en devises étrangères doit être affinée. Nous avons écrit que la dette pouvait se monétiser ou être annulée par une inflation économique sans inflation salariale. Une devise nationale peut, pour des raisons politiques, avoir les mêmes propriétés qu'une devise étrangère : si la banque centrale est indépendante, comme la BCE, par exemple, si la marge politique du gouvernement ne lui permet pas de mener une politique d'inflation des prix, d'augmenter les salaires et les investissements en les finançant par la monétisation, il est alors clair que la devise dite nationale comme l'euro en Grèce, en Espagne ou en France pour le moment, a toutes les propriétés d'une devise étrangère quant à la dette de ces pays.

Nous constatons que tant dans le cas de la guerre que dans celui de la dette en monnaies étrangères, l'inflation est liée à une destruction de valeur économique et non pas à des dépenses ni à de la création monétaire.

Pour venir à bout de ces dettes, il suffit de réintroduire les marges de manœuvre d'une monnaie nationale : monétisation des investissements (on imprime de l'argent qui finance des outils de production, des infrastructures), des augmentations de salaires et des remboursements de dette. Faute de mettre en place ces politiques, les défauts successifs, partiels, sur la dette deviennent inévitables et, un beau jour, vu le caractère de pyramide de Ponzi de la dette à intérêt sans inflation et sans monétisation, à une banqueroute en bonne et due forme.

Note 13. L'hyperinflation en République de Weimar

De 1921 à 1924, la République de Weimar, l'actuelle Allemagne, est en proie à une hyperinflation.



Précisons d'emblée que cette inflation n'a pas porté Hitler au pouvoir puisqu'il a accédé à la magistrature suprême en 1933 seulement, près de dix ans après les faits. Par contre, les politiques monétaristes mises en œuvre en réaction à l'hyperinflation ont généré un chômage de masse qui, lui, a favorisé la montée des partis les plus autoritaires.



Au moment de l'hyperinflation, les ouvriers exigeaient d'être payés deux fois par jour tant la valeur de l'argent diminuait rapidement. En suivant la chronologie donnée par Wikipédia, nous pouvons reconstituer les causes et les conséquences de l'inflation à ce moment-là.



Acte I. Les dettes des Allemands en monnaie étrangères atteignent 132 milliards de marks-or pour un PIB de 3 milliards de marks-or. Jusqu'en 1922, cependant, malgré cet endettement, l'économie allemande est forte, il y a un plein emploi et des salaires en augmentation.



Acte II. Après la première guerre mondiale, l'appareil productif est détruit, la production réelle chute. Le pays emprunte sur les marchés internationaux. Les salaires sont indexés. L'hyperinflation ne signifie pas inflation salariale.



Acte III. La vitesse de circulation de la monnaie augmente, ce qui génère de l'inflation économique. Les entreprises convertisent leurs avoirs en devises, en titres étrangers, ce qui diminue la demande de marks et en baisse le prix.



Acte IV. Le docteur Schacht intervient. Il va mener une politique de stabilisation du cours de la monnaie et des prix. C'est ce qu'on appelle une politique monétariste. Cette politique va arrêter l'inflation des prix, provoquer un chômage de masse et une … inflation salariale. Il cesse d'émettre des billets de banque – il diminue la quantité de monnaie en circulation. Il diminue le volume des moyens officiels de paiement et gèle le crédit. De ce fait, la spéculation est bloquée : les spéculateurs se retrouvent avec une monnaie sans valeur. Par ailleurs, Schacht arrête la politique de réescompte3.


La création monétaire


La création monétaire a la réputation d'être nécessairement inflationniste. Pourtant, il nous suffira d'évoquer deux contre-exemples à cette assertion pour en invalider le caractère universel. Le Greenback dans les années 1860, jusqu'à l'assassinat de Lincoln a été imprimé aux États-Unis sans aucune contre-valeur. Selon Ellen Brown4, cette monnaie imprimée par l'État n'a généré aucune inflation (jusqu'à la guerre de Sécessionqui a connu une inflation normale dans le cadre d'un conflit de cette nature : la guerre est inflationniste, comme nous l'avons vu). La création monétaire épongeait les dettes de l'État (ce qui lui permettait d'entreprendre d'ambitieux projets et, par ailleurs, elle finançait l'embauche des chômeurs à des travaux utiles). Cette politique a eu un soutien populaire constant, elle n'a, répétons-le, provoqué aucune inflation (hors conflit). C'est pourtant l'argument de l'inflation qui été avancé à l'époque par les 'silveries', par les tenants de l'argent gagé sur les réserves du précieux métal pour mettre fin à cette expérience.



Notre approche théorique de la réalisation de la valeur ajoutée explique facilement cette absence d'inflation : comme l'argent créé à partir de rien a été dévolu exclusivement aux salaires, cet argent créé sous la forme de salaire a été intégralement dépensé. Les dépenses ont permis à la production industrielle de s'écouler, elles ont permis au capital produit de se réaliser, laissant un souvenir de prospérité générale.



Par contre, si on prend l'exemple de l'Assignat, en France, il était imprimé en étant gagé sur les biens nationalisés de l'église. Il s'agissait de propriétés terriennes, de bâtiments, d'atelier ou d'ouvrage d'art dont la valeur ne souffre aucune discussion. L'Assignat était gagé sur des biens plus solides que l'or ou l'argent sujets à variations de cours, il était gagé sur une bonne partie des terres arables de France. Ces Assignats (1789-1797, en France) souffriront d'une inflation élevée tout au long de leur courte vie. Ils auront servi exclusivement à payer les créanciers de la jeune République, les rentiers, le capital et, une fois dépensés à cet effet, leur valeur faciale a été retirée de la circulation économique vu le faible taux de réalisation de ce type de capital surtout à sur une échelle de temps si courte. La valeur économique produite baisse alors puisque, globalement, la valeur antérieure se réalise peu, alors que la demande demeure constante. Il y a donc une rupture de l'offre et une inflation. Le grand nombre d'Assignats imprimés très rapidement a en effet massivement été thésaurisé et n'a que peu servi à la population, aux salaires et, par manque d'effet de rebond de la demande, à l'économie concrète.



Ces deux exemples prouvent que l'inflation n'est pas nécessairement induite par la création monétaire. De même, si l'on a coutume de voir la création monétaire comme la cause de l'hyperinflation des prix dans l'Allemagne des années 20, on peut aussi la voir comme conséquence de cette inflation. C'est la dette en monnaie étrangère qui paralyse la production économique et c'est la paralysie de la production économique qui crée une inflation des prix face à une demande inchangée.


On pourra rétorquer que le système économique libéral actuel crée peu d'inflation des prix en Europe, par exemple, alors que les salaires y sont malmenés depuis quarante ans et que la partie susceptible de ne pas être réalisée de la valeur ajoutée, la rémunération du capital, est en augmentation. C'est faire l'impasse sur deux éléments. D'une part, l'inflation salariale est bel et bien à l’œuvre en Europe pour la plupart des travailleurs. Les salaires ont baissé en termes réels – ce qui est notre définition de l'inflation salariale, seule problématique pour nous. D'autre part, certains facteurs sont éliminés du « panier de la ménagère » qui sert à mesurer l'inflation : si les loyers ont fortement augmenté, la valorisation des propriétés immobilières a, elle, explosé. Ce phénomène menace particulièrement les classes moyennes tant en France qu'en Grande-Bretagne ou aux États-Unis. Il s'agit d'un phénomène d'inflation salariale (et même d'inflation des prix) aussi discret que nuisible. En Espagne, la classe moyenne est chassée de ses logements ; ses enfants restent chez leurs parents au-delà de leur quarantième printemps et les logements vides pourrissent, vides, hors de prix.

L'inflation salariale sous la forme de flambée de l'immobilier atteste la faible productivité du capital industriel, c'est un placement de dépit. L'investisseur a un meilleur retour sur investissement en achetant de la pierre qu'en achetant une partie d'usine. Le taux de profit de l'usine est devenu trop faible. La flambée des prix immobilier atteste aussi la force monétaire des créanciers, des accumulateurs de capital qui, crédit faisant, trouvent le moyen de ponctionner davantage l'économie productive dans des circuits bancaires. Les classes moyennes et les classes populaires sous emprunt hypothécaire sont les nouveaux empires coloniaux que se sont trouvés les excédents ε d'une classe capitaliste en mal de débouchés.

Comme le crédit n'est pas un don, sa pratique ne fait que retarder et aggraver des crises inéluctables : la différence entre la valeur ajoutée produite et la valeur ajoutée réalisée ne trouve plus de marché extérieur pour écouler le manque de demande. L'accumulation correspond à la partie de la valeur qui n'est pas dépensée. Cette partie manque à la réalisation de la valeur ajoutée extérieure. C'est précisément ce manque, cette épargne (ε) dont nous avons parlé au premier chapitre qui doit trouver des marchés extérieurs (à hauteur de ε) pour combler le déficit de valeur ajoutée (de ε) dans les cycles suivants.

Note 14. Lutte de classe, définition et distribution de la valeur économique

L'augmentation des salaires en général et l'indexation en particulier augmentent la part relative des salaires dans le PIB, ce qui, du point de vue économique, contribue à sa stabilisation puisque, nous l'avons vu, les salaires sont réalisés, mais, du point de vue politique, la lutte des salaires contre les profits apparaît comme un des aspects de la lutte des classes.



Ce n'est pas le seul puisque la définition de la valeur économique intervient aussi bien que sa distribution dans les tensions entre les classes. Les propriétaires veulent avoir l'exclusivité de la définition de la valeur économique – par la logique de l'emploi ou par la privation de ressources utiles à la survie, notamment – alors que les travailleurs ont intérêt, en tant que classe, à libérer leur travail concret du joug de l'employeur, de l'actionnaire, du propriétaire.



La lutte de classe oppose donc des définitions de la valeur économique et de la répartition de cette valeur. Les travailleurs sont payés en salaires, les propriétaires sont payés en rente, en dividendes. Si la valeur ajoutée produite à l'occasion du travail abstrait est consacrée à la rente, elle n'est pas consacrée aux salaires et vice versa. De même, si la valeur économique est définie sans référence à l'emploi, les propriétaires perdent l'exclusive de la définition de la valeur économique ; si, au contraire, les propriétaires demeurent les seuls à définir la valeur économique dans l'emploi, il n'y a pas de place pour d'autres définitions de cette valeur. Ceci explique pourquoi les grands actionnaires luttent contre l'index et pour l'exclusivité de l'emploi comme mode de définition de la valeur économique – ils se positionnent systématiquement contre le statu hors emploi des fonctionnaires, ils stigmatisent les sans emploi, les chômeurs, les retraités ou les invalides, c'est-à-dire tous les salariés hors emploi qui produisent de la valeur ajoutée sans employeur, sans actionnaire. Par contre, la faiblesse de la réponse syndicale laisse supposer que ces syndicats ne défendent pas correctement les intérêts de la classe des travailleurs. Sans doute ont-ils quelque obscure intérêt à tenir une position ambivalente.


L'équation de Fischer



Résumé des développements mathématiques du chapitre

Comme la production de valeur économique dépend de ce qui est dépensé, ce qui crée l'inflation, ce n'est pas la production de monnaie mais c'est ce à quoi est consacrée la monnaie produite. Une monnaie créée dévolue aux salaires ne crée pas d'inflation salariale parce qu'elle stimule la production de marchandises dans un jeu à somme nulle : il y a plus d'argent en circulation (ou autant d'argent en circulation plus rapide) pour plus de marchandises produites. Il n'y a donc pas de tension entre l'offre et la demande. La demande augmente exactement de la même façon que l'offre. Par contre, si l'on consacre la création monétaire à la rétribution de rentiers, comme ils ne dépensent pas leur argent, la quantité d'argent en circulation augmente, le rythme de circulation baisse, l'argent disponible pour les dépenses baisse au total et comme l'appareil productif est moins sollicité, comme, de ce fait, la production de marchandises diminue, l'inflation salariale, le coût des biens et des services par rapport aux salaires disponibles, s'impose. La création monétaire n'est pas inflationniste à condition d'être dévolue aux seuls salaires ; la création monétaire est inflationniste dans la mesure où elle est dévolue à la rétribution des actionnaires, des créanciers et des rentiers.



Après avoir déterminé les causes de l'inflation, les dettes en monnaie étrangère et les guerres, nous avons découvert que l'inflation salariale, la baisse de pouvoir d'achat des salaires, était la seule problématique d'un point de vue de la pérennité de l'outil économique et de la prospérité générale. À la lumière de ces quelques considérations, nous allons examiner l'équation de Fischer. Soit

(3)

Avec M = la masse monétaire, V= la vitesse de circulation moyenne de cette masse monétaire ; P=les prix et Q la production.

Critique générale : l'équation ne tient compte que des prix et n'examine pas l'inflation par rapport à ses impacts sur l'économie. Si les prix augmentent et que cela soutient la machine économique et les producteurs, cette augmentation n'est en rien problématique. Seule est problématique l'augmentation des prix par rapport aux salaires puisque, comme nous l'avons vu, cette augmentation diminue la part des salaires dans la valeur ajoutée et, partant, diminue le taux de réalisation de la valeur ajoutée – ce qui sabote rapidement la machine économique et la prospérité des travailleurs.

Cette équation implique que

- à masse monétaire et à vitesse de circulation monétaire constantes, les prix seront inversement proportionnels à la production. C'est alors la loi simple de l'offre et de la demande reformulée.

Critique 1 : la notion de production est floue. En économie, on parle de production de valeur économique, ce qui n'a rien à voir avec la production de biens et de services.

Par exemple, l'agriculture européenne produit beaucoup plus d'aliments qu'au sortir de la deuxième guerre mondiale mais la valorisation des produits agricoles est devenue marginale sur le vieux continent. Pour éviter l'augmentation des prix – ce qui est l'option discutable d'un Friedman qui reprend cette équation quantitativiste à son compte – il faut produire davantage. Si l'on intègre notre critique, pour éviter l'inflation – mais il ne nous importe d'éviter que l'inflation salariale – il faut augmenter la production de valeur économique, c'est-à-dire augmenter les salaires, notamment les bas salaires entièrement réalisés et diminuer l'ε synonyme d'inflation salariale.

Critique 2 : une approche anti-inflationniste vulgaire des choses, tend à assimiler toute dépense à un comportement inflationniste. C'est toujours vrai à court terme mais, à moyen terme, c'est souvent absolument faux (et ce, même dans une perspective d’inflation des prix et non d'inflation salariale).

Si un industriel achète une usine de pneus, il tend le marché et induit une légère inflation dans l'immédiat puisqu'il achète des matériaux, des machines, des matières premières pour son usine mais, une fois l'usine construite, l'investissement initial et l'activité économique ultérieure entraîneront les prix du pneu à la baisse et sera in fine déflationniste. De même, si un particulier isole sa maison, il achètera des matériaux, il fera appel à de la main d’œuvre ce qui, dans l'immédiat, augmentera la demande de ces choses sans augmenter l'offre et sera donc potentiellement inflationniste mais, dans un second temps, la diminution de dépenses de chauffage sera déflationniste.



Une partie importante des dépenses sont donc éminemment productives, elles simulent l'offre plus qu'elles ne simulent la demande de biens et de services sans considération pour leur valeur économique intrinsèque. L'idée qu'une dépense est nécessairement un poids pour la société (elle augmente la demande et n'augmente pas l'offre), l'idée que l'offre, que la production est nécessairement un soutien pour la société ne sont pas neutres. Il s'y dessine en filigrane les traits d'une société où le travail productif est le seul légitimé et où l'épargne, l'accumulation est la fin de toute vie humaine.



Sans nous prononcer sur cet horizon métaphysique, nous nous permettons de rappeler que, selon nos conclusions, plus cette morale sera appliquée, plus le ε sera élevé, plus l'accumulation sera rapidec'est-à-dire, plus l'économie, faute de trouver des débouchés extérieurs, se trouvera à terme dans l'impasse. D'un point de vue strictement économique, il est impératif de s'extraire de ce piège.


- à toutes autres choses égales, la création monétaire est inflationniste

Critique 1 : ceci ne résiste pas aux faits, comme nous l'avons expliqué : la création monétaire stimule l'activité économique, elle augmente la production de valeur économique – ce que, dans cette équation, on désigne approximativement par le Q, la « production ».

Comme Q (au sens de « production de valeur économique ») augmente mécaniquement avec la création monétaire, la création monétaire n'a pas d'effet inflationniste.

Critique 2 : nous avons vu un peu plus haut dans le sous-chapitre sur la création monétaire, que ce qui est déterminant dans le caractère inflationniste de la création monétaire, ce n'est pas de savoir si la monnaie créée a une contre-valeur quelque part mais c'est son taux de réalisation. Paradoxalement, au niveau macro-économique, plus on dépense, plus on permet la création de valeur économique, moins les prix augmentent.

Ce taux de réalisation sera d'autant plus élevé – c'est-à-dire que la monnaie créée sera d'autant moins inflationniste – que la monnaie créée sera dévolue à des salaires et, notamment, à des petits salaires de sorte que cette création monétaire puisse s'intégrer dans le PIB et compenser l'épargne ε qui le grève.

- l'augmentation de la vitesse de circulation de l'argent est inflationniste

Critique : cette thèse semble difficile à soutenir alors que les échanges électroniques ont rendu cette circulation infiniment rapide sans qu'il s'en suive d'hyperinflation.

Ce n'est certes pas parce que les échanges d'argent sont plus rapides que la vitesse de circulation moyenne de l'argent va augmenter mais, à examiner la quantité quotidienne d'échange mondiaux sur les produits dérivés ou sur les monnaies, de l'ordre du tiers du PIB mondial, il devrait y avoir une inflation gigantesque dès que les bourses se mettent à spéculer sur des fonds spéculatifs or il n'en est rien.

Reformulation de l'équation de Fischer


À la lumière de nos critiques, nous pouvons réécrire l'équation de Fischer. Le Q, la « production », sera requalifié en (voir 2.10). Cette production est égale à la réalisation de la valeur ajoutée antérieure, soit, avec CM pour création monétaire, avec l'ensemble des taux rapporté à la valeur du PIB prise dans son ensemble :

(voir 2.19)

par ailleurs, si l'on considère la fonction de taux de dépense de la valeur ajoutée δ, on doit considérer, de la même façon, l'intégrale de sa dérivée dans le temps pour évaluer la somme des dépenses ( ) dans une durée de temps donnée :

(3.1)


Explications : l'ensemble de la masse monétaire multiplié par la vitesse de dépense de cette masse monétaire équivaut à l'ensemble des dépenses (l'intégration sur une donnée de temps donnée de la dérivée dans le temps de la fonction de dépense de capital – cette formulation signifie simplement qu'il faut additionner l'ensemble des dépenses sur une période donnée) multipliée par un coefficient qui intègre la création monétaire, soit

(3.1.1)

la masse monétaire antérieure augmentée de la création monétaire divisée par la masse monétaire antérieure. Ce coefficient est égal à un quand il n'y a pas de création de monnaie (la fonction δ porte alors sur la seule masse monétaire antérieure) et est augmentée en proportion de la création monétaire antérieure. L'expression (3.1.1) s'écrit indifféremment sous la forme reprise dans l'équation (3.1) en divisant les membres de l'addition séparément.

En isolant les prix dans l'équation de Fischer (3), nous avons :

(3.2)

soit en remplaçant les termes par les égalités (2.19) et (3.1)

(3.3)


En négligeant la portion de la valeur ajoutée dévolue au capital extrême dont la réalisation est faible ou nulle, en admettant que le taux de réalisation Tρ du salaire soit égal à un (que les salaires soient intégralement dépensés, comme nous l'avons démontré ci-dessus), il vient :

(3.4)

avec T(capital moyen) + T(salaire) = 1

Note 15. La création monétaire


On voit immédiatement pourquoi la création monétaire peut ne pas avoir d'effet sur les prix. Dans la mesure (comme nous l'avons envisagé dans notre équation) où la création monétaire est réalisée intégralement parce qu'elle est distribuée aux salaires, elle nourrit aussi bien le numérateur (la réalisation de valeur ajoutée) que le dénominateur (la création de valeur ajoutée) et est donc sans effet sur les prix.



Avec une création monétaire de 20 %, taux considérable s'il en est, on aura le numérateur multiplié par 1,2 et le dénominateur multiplié par … 1,2 si la réalisation de la création monétaire est de 100 %. Si la réalisation est de 0 %, le dénominateur n'augmente pas et les prix sont augmentés de 20 % ((3.4) avec T(capital moyen) = 0,2 (20%) et Tρ (capital moyen)=100 %).



On a

(3.4.1)




C'est-à-dire que ce le numérateur et le dénominateur sont tous les deux multipliés par 1,2 à condition que la monnaie créée soit intégralement réalisée, soit parce qu'elle est dévolue intégralement aux salaires, soit parce que la réalisation du capital moyen est de 100 %. Mais nous avons vu que les salaires étaient nécessairement intégralement réalisés contrairement à la rente. La création monétaire dévolue à la rente – au remboursement des créanciers, par exemple – est nécessairement inflationniste.



Si le capital ne se réalise pas et que l'argent créé est intégralement consacré au capital, on voit que, dans ce cas d'école, le numérateur est multiplié par 1,2 alors que le dénominateur ne change pas de valeur, ce qui correspond à une augmentation de P, des prix, de 20 %.



Pour le dire simplement, la création monétaire ne crée aucune inflation si elle est dépensée intégralement, si elle est consacrée à des salaires et crée par contre une inflation (et une inflation salariale) si elle n'est pas réalisée intégralement, notamment si elle est consacrée à la rente, à l'accumulation, à l'épargne inflationnistes. C'est ce qui explique pourquoi l'Assignat a été inflationniste alors qu'il était gagé sur les biens de l'Église nationalisés – il nourrissait l'accumulation des rentiers – alors que le Greenback qui n'était gagé sur rien du tout ne générait pas d'inflation puisqu'il était intégralement dévolu à des salaires rapidement dépensés.


Comme le taux de réalisation du capital moyen est inférieur à un, plus le taux du capital moyen sera élevé, plus les prix augmenteront. En d'autres termes, à dépenses constantes, à niveau de vie, à consommation de biens et de services inchangée, les prix doivent augmenter à partir du moment où



- une partie du PIB est dévolue à la rémunération du capital



- la réalisation de ce capital augmenté par la rente n'est pas intégrale.



En conséquence, dès le moment où un propriétaire des outils de production est rémunéré en tant que tel à titre lucratif, dès le moment où ce propriétaire ne dépense pas l'intégralité de ce qu'il a gagné, dès le moment où il y a accumulation dans les sphères dominantes de l'économie, les prix augmentent (et il s'agit, à toutes autres choses égales d'inflation salariale) et, avec cette augmentation, ils grippent la réalisation du capital, la part salariale du PIB et, partant, la pérennité du PIB lui-même, la production de valeur économique elle-même. Ce constat fait écho aux considérations de Karl Polanyi5 : la concentration excessive des moyens de production provoque l'effondrement économique et cette concentration est nécessairement liée à une politique de laisser-faire.




Proposition 23
La création monétaire dévolue aux salaires ne crée pas d'inflation salariale.
Proposition 24
La création monétaire dévolue à la rente crée de l'inflation salariale et génère des crises de surproduction.


Nos conclusions éclairent en tout cas à la fois la réussite des politiques keynésiennes et leur incapacité congénitale à dépasser les contradictions fondamentales du système capitaliste d'accumulation. Comme le keynésianisme relance les salaires, il diminue la part de la valeur ajoutée vampirisée par l'accumulation mortelle pour l'économie. En outre, l'augmentation des salaires – sous quelque forme que ce soit – désarme l'effet délétère de l'accumulation ε : les salaires en augmentation ouvrent de nouveaux marchés susceptibles d'absorber la part de la valeur ajoutée que l'épargne ε fait disparaître des cycles économiques. Ceci explique pourquoi, entre 1945 et 1973, alors que la part des salaires et la valeur ajoutée augmentaient, la production économique augmentait elle aussi et, par ailleurs, le taux de profit baissait substantiellement. Par contre, cela explique aussi pourquoi la guerre aux salaires à l’œuvre depuis 1973 a d'abord remonté le taux de profit avant que ce taux de profit ne reviennent à sa tendance à long terme à la baisse et que les crises économiques à répétition ne reviennent elles aussi avec l'accumulation et le défaut de réalisation de la valeur ajoutée6.



La politique keynésienne de relance par le salaire ne dépasse pas les contradictions inscrites dans le temps long. Les taux d'intérêt nourrissent les créances des uns et les dettes des autres, les actions rémunèrent des actionnaires qui ne dépensent pas tout (sauf à les imposer en intégralité, solution qui a été adoptée aux États-Unis un moment avec un succès indéniable), le taux de profit baisse à long terme et la structure organique du capital devient de plus en plus élevée.



Pour contrecarrer ces tendances mortifères à terme, il faut que l'intégralité du PIB soit consacrée au salaire. Si la rémunération du capital est abolie, cela implique que la propriété soit supprimée en tant que mode de rémunération, en tant que propriété lucrative. Cela n'implique rien quant à la légitimité de la propriété d'usage, quant à la propriété qui ne génère pas de revenu, de rémunération puisque les contradictions liées aux taux de réalisation des différentes formes de revenus n'affectent que la propriété en tant que source de plus-value, de gains financiers.



L'abolition de la propriété lucrative est une condition sine qua non pour pérenniser le système de production économique et la prospérité qu'il permet. L'accumulation (ε), consubstantielle à la propriété lucrative, pompe le numéraire, la valeur économique en circulation sous forme monétaire. À terme, si les entreprises ne trouvent pas de nouveaux marchés non capitalistes, de nouveaux marchés solvables extérieurs qui ne sont pas aux prises avec l'accumulation, le capital accumulé non réalisé manque à l'économie. Cela pousse au conflit armé, la disparition de la valeur des circuits économique amène à conquérir des marchés de manière forcée, à les rendre captifs et à délocaliser les contradictions économiques dans ces contrées.



À long terme, le corps social a alors le choix – pour parler comme Luxemburg – entre le socialisme, l'abolition de la propriété lucrative, et la barbarie, le capitalisme comme mode d'accumulation et d'organisation de la production, la guerre permanente de tous contre tous au milieu des ruines de la civilisation et de l'industrie. Les incantations répétées des gourous de la secte de la barbarie ne feront jamais l'impasse – elles n'ont jamais réussi à faire l'impasse – sur la pertinence de l'observation de cette contradiction. Le caractère inéluctable des contradictions de l'accumulation capitaliste ne doit pas nous égarer sur la nature profondément conjoncturelle, historique du capitalisme lui-même contrairement à ce que les thuriféraires de la barbarie tendent à assimiler à un ordre « naturel » quand ils proclament qu'il n'y a pas d'alternative, qu'il faut forcément payer ses dettes, qu'il y a des dettes illégitimes (et d'autres légitimes, sans doute). Parler de la sorte, c'est oublier le caractère pyramidal, c'est oublier le caractère spéculatif de Ponzi de l'économie de l'accumulation. La valeur ajoutée ne se réalise pas dans son intégralité et ce qui n'est pas réalisé devient créances sous des formes plus ou moins sophistiquées. Ces créances ruinent les plus pauvres et épuisent l'appareil productif puis la production elle-même sauf à délocaliser la violence économique dans un pays tiers, sur un marché captif qui assumera cet ε, cette part de la valeur ajoutée qui disparaît dans l'accumulation.


Proposition 25
La dette asservit les pauvres et détruit l'économie au profit d'une cleptocratie.


On notera que l'interdit de l'usure – très strict pour l'Église médiévale, pour Aristote7 ou pour l'islam – prévient les comportements économiques d'accumulation qui tuent à terme et l'économie productive et la prospérité générale. On se souviendra aussi des remises de dettes à intervalles réguliers dans l'Antiquité8. Les empires qui n'ont pas remis périodiquement les dettes, qui n'ont pas détruit périodiquement le ε ont été confrontés à l'effondrement de l'économie et à la paupérisation des masses (puis des possédants eux-mêmes), effondrement accompagné d'instabilité politique, de guerres civiles, etc9.



Note 16. Le protectionnisme et la concurrence



La mise en concurrence des différentes entreprises à travers le monde se traduit par une concurrence sur les prix. Nous avons vu dans la structure de la valeur ajoutée que la seule possibilité de baisser le prix d'une marchandise consiste à en baisser la rémunération salariale – en augmentant le taux d'exploitation (Plus-value/Salaires), en diminuant les salaires et en dégradant les conditions de travail. Un acteur économique qui baisse les salaires fait assurément une bonne affaire à condition que les autres entreprises avec lesquelles il est en concurrence ne fassent pas la même chose. Si les concurrents font tous la même chose au même moment, les acteurs économiques perdent des marchés à mesure que les salaires se contractent, les carnets de commandes se vident et une crise de surproduction se profile. C'est exactement le cas de figure actuel en Europe et, de manière à peine moins certaine, à l'échelle du monde entier. Les tentatives répétées de conquérir de nouveaux marchés par des traités léonins plus ou moins cataclysmiques ne changent rien à l'affaire : les nouveaux marchés sont également saturés et ils amènent également de nouveaux producteurs qui viendront écouler leur surproduction en Europe.



Face aux tentations de libre-échange pour substituer le ε de l'accumulation qui disparaît du PIB, de la valeur ajoutée, le politique peut aussi vouloir, au contraire, fermer les frontières. La fermeture des frontières veut empêcher le ε extérieur d'être réalisé à l'intérieur des frontières et l'ouverture des frontières veut exporter les contradictions du ε intérieur.



Dans un contexte de libre-échange, la concurrence sur les prix des marchandises peut pousser

- à la dévaluation monétaire compétitive – les salaires intérieurs sont alors artificiellement baissés en laissant couler la monnaie nationale

- à la déflation salariale directe – les salaires directs ou les cotisations sociales baissent, les prestations salariales diminuent ou sont assumées par le contribuable qui voit ses impôts augmenter

- à la destruction des droits sociaux – pour ne pas effrayer les investisseurs (dont nous avons prouvé qu'ils ne créent rigoureusement aucune valeur économique mais ils parasitent le processus de création de valeur économique)

- à la protection du capital de rente – pour attirer les investisseurs, cette politique augmente les prix des capitaux spéculatifs comme l'immobilier. L'augmentation des prix de l'immobilier diminue de fait les salaires réels.



Toutes ces politiques impulsées par le libre-échange et la libre-concurrence sont nécessairement des guerres au salaire – ce qui, nous l'avons vu, contracte le PIB et compromet l'économie sur le long terme.



La lassitude populaire qu'engendrent les souffrances générées par ces politiques de clochardisation du pays peut entraîner les élites dirigeantes dans une autre voie, celle du protectionnisme. Il nous faut insister d'emblée sur le caractère politiquement délicat du protectionnisme : les voisins, les partenaires commerciaux qui se débattent avec leur ε vont voir d'un mauvais œil la perte de débouchés. Des guerres ont déjà éclaté pour moins que cela. En outre, le protectionnisme peut rater son objectif si le pays cadenassé se débat avec son accumulation nationale, son ε, sans débouchés extérieurs pour l'écouler, pour remplacer le manque à gagner que cette accumulation représente pour le PIB. C'est précisément dans cette situation que risque de s'imposer la voie de la guerre.



Le protectionnisme ne résout pas les problèmes propres à l'accumulation capitalistique et amène d'autres problèmes : le risque d'une guerre. Il est vrai que, pour lever les contradictions de l'accumulation, on peut périodiquement détruire une partie du stock de valeur économique (par une guerre, par exemple, ou par une crise immobilière) ce qui assainit très provisoirement la dynamique de la création de valeur économique.



Face aux contradictions de l'ε, il faut résoudre le problème de l'accumulation. Il faut

- consacrer l'intégralité du PIB au salaires

- ôter à la propriété tout caractère vénal, lucratif.



Il est peut-être délicat de le faire à échelle régionale ou nationale dans un contexte de libre-échange mais l'absence de rémunération du capital rend la production salariale très compétitive en terme de coût. Par ailleurs, il est symptomatique que les pays dont les salaires (individuels et sociaux) sont les plus élevés ne sont pas nécessairement ceux où il y a le plus de chômage.



En tout état de cause, si, dans le cadre d'une politique favorable aux salaires, une taxe devait limiter la circulation de produits en provenance de l'étranger, il faudrait que cette taxe soit

- intégralement consacrée aux salaires

- perçue comme peu hostile par les partenaires commerciaux étrangers

- une source de résolution des sources de la contradiction ε des partenaires commerciaux (sans quoi, leurs propres contradictions les pousseront toujours sur le sentier de la guerre).



Pour ce faire, nous ne voyons qu'un seul type de protectionnisme envisageable, le protectionnisme amical (et il n'est pas certain qu'une pratique salariale de la valeur, qu'une économie libérée du joug de la propriété lucrative, doive y passer), celui d'une taxe intégralement reversée au pays partenaire commercial sous forme de salaire socialisé versé à ses travailleurs dans l'emploi ou hors de l'emploi. Un embryon de ce que pourrait être un protectionnisme amical existe déjà en Belgique avec la sécurité sociale d'outre-mer (OSSOM). Des travailleurs à l'étranger cotisent dans une caisse qui leur assure les mêmes prestations que celles de travailleurs sur le territoire national. Il suffirait d'en étendre l'usage aux non-nationaux.



1Selon l’expression de Keynes signifiant qu’il fallait réduire le pouvoir de nuisance des rentiers (et non les assassiner physiquement, bien sûr) dans John Maynard Keynes, Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, Paris, Bibliothèque scientifique Payot dans le livre VI, pp. 169 sqq. de l’édition en ligne <http://classiques.uqac.ca//classiques/keynes_john_maynard/theorie_gen_emploi/theorie_emploi_monnaie_2.pdf>.

2Pour cette note, nous nous référons à K. Polanyi, La Grande Transformation, Gallimard, 2011, première édition en français, Gallimard, 1983, édition originale, K. Polanyi, The Great Transformation, 1944, traduit de l'anglais par M. Angeno et C. Malamoud.

3Le réescompte est l'ancêtre des produits dérivés ou de la titrisation : on achète un titre pour ce qu'il va valoir à un moment donné. Le titre s'achète et se vend à l'infini. Schacht cesse d'acheter les titres escomptés par la banque centrale [c'est ce que continue à faire Mario Draghi avec la BCE actuellement avec les obligations sulfureuses]. Les entreprises doivent donc vendre leur épargne accumulée en devises étrangères puisque, faute de pouvoir émettre des escomptes, elles sont en besoin de liquidité. Les entreprises et la banque centrale empruntent alors, à l'étranger. Le chômage explose.

4Ellen Brown, The Web of debts, Third Millenium Press, 2010, p. 35.

5K. Polanyi, La Grande Transformation, op. cit.


7Voir Aristote, La Politique, livre I, trad. fr. P. Pellegrin, Nathan, 1983, rééd. Flammarion, « GF », 1990. Au chapitre I 8-9 : On peut se demander si l'art d'acquérir la richesse [khrêmatistikê] est identique à l'art économique [oikonomikê], ou s'il en est une partie ou l'auxiliaire. […] On voit clairement que l'économique n'est pas identique à la chrématistique. Il revient à ce dernier de procurer [porisasthai], à l'autre d'utiliser [khrêsasthai]. Quel autre art que l'économie s'occupera de l'utilisation des biens dans la maison ?

8Lévitique (25:8–13)  :
Tu compteras sept semaines d'années, sept fois sept ans, c'est-à-dire le temps de sept semaines d'années, quarante-neuf ans. Le septième mois, le dixième jour du mois tu feras retentir l'appel de la trompe ; le jour des Expiations vous sonnerez de la trompe dans tout le pays. Vous déclarerez sainte cette cinquantième année et proclamerez l'affranchissement de tous les habitants du pays. Ce sera pour vous un jubilé (יוֹבֵל) : chacun de vous rentrera dans son patrimoine, chacun de vous retournera dans son clan.


9Voir à ce sujet, K. Polanyi, La Grande Transformation, op. cit.