Définition et enjeux

Construction et herméneutique d'une économie de la puissance humaine

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La propriété inorganique

La contre-valeur monétaire d'un bien ou d'un service est une propriété liée à cette chose, à ce service, à l'instar de son poids, de sa taille ou de sa couleur. Mais cette propriété a plusieurs spécificités :

- l'étalon de référence, l'unité monétaire est sujet à des variations en fonction de l'évolution du système productif. Ce qui sert à évaluer, à mesurer économiquement les biens et les services est affecté par l'ensemble de la production économique (voir l'équation de Fisher ci-dessus). L'argent est un thermomètre dont le fonctionnement est affecté par la température corporelle.

- l'argent est une valeur solipsiste gagée sur le travail concret, dans l'emploi et hors de l'emploi. C'est la production, le travail concret, qui produit les biens et les services sur lesquels est greffée la valeur et, c'est l'ensemble de ces greffons biens (ou services)-valeur, qui va asseoir la légitimité de la valeur monétaire, de l'argent. L'argent a de la valeur parce qu'on lui en attribue et on lui en attribue parce que, quand on en a, on peut acquérir des biens et des services. L'argent est un raisonnement circulaire, il est susceptible de dévaluer avec l'inflation ou avec une crise bancaire. On croit à la valeur de l'argent parce qu'il permet d'acquérir des biens et des services, on peut acquérir des biens et des services contre de l'argent parce qu'on croit à sa valeur mais, à partir du moment où les gens doutent de l'argent, de sa fonction, de sa valeur, il disparaît ou dévalue fortement. L'argent fonctionne avec un sentiment de l'ordre de l'adhésion implicite, indiscutée, l'argent est de l'ordre de la foi, de la confiance que les acteurs économiques ont en l'économie elle-même. L'argent est une métaphysique implicite, une métaphysique qui ne s'assume pas en tant que telle ou une métaphysique en soi mais non pour soi.

- l'argent sert de vecteur à l'expression des valeurs dans les prix mais les prix incluent des valeurs plus larges que celle du bien ou du service auquel il est lié : les prix comprennent la partie socialisée, par l'impôt ou par la cotisation sociale, de la valeur ajoutée, ils intègrent aussi bien les salaires (individuels ou socialisés) créateurs de la valeur économique que la rente parasite, destructrice des capacités productives. En outre, les prix négligent d'intégrer une partie de la valeur négative de la marchandise.

Les externalisations chassent les coûts de production du prix de la marchandise capitaliste. Les cotisations sociales nécessaires à la réparation des dégâts psychiques et sanitaires de l'activité productive, les impôts nécessaires à la réparation des dégâts écologiques ou à la construction des infrastructures utilisées sont reportés sur le prix d'autres marchandises, étrangères aux nuisances, aux coûts externalisés. L'externalisation ne diminue pas les coûts, elle les fait assumer par d'autres acteurs économiques, elle défausse les auteurs des nuisances de leurs responsabilités. L'argent comme évidence traduite par des prix est en fait une opération mentale, une opération de type ésotérique de légitimation de la production et de ses externalités.

- l'argent fonde aussi un rapport au monde, il entérine un mode d'organisation de la violence sociale et, en ce sens, il en est l'expression, le symbole, le fétiche. La violence sociale de l'argent se caractérise par

l'absence de propriété, de caractéristiques intrinsèques signifiantes des agents économiques. Peu importe qui paie, peu importe comment il paie et pourquoi, l'argent le vide de toute propriété en tant qu'utilisateur de la monnaie.

les agents impliqués par l'échange monétaire sont des égaux en droit. Il ne faut pas d'inégalité de statut, de rôle social pour fonder la domination sociale. Il n'y a pas de privilège, de droit féodal. La domination sociale repose au contraire sur l'accaparement, sur la propriété lucrative et sur l'aiguillon de la nécessité entre égaux en droit.

une évaluation des biens et des services quantitative. On attribue selon le principe du marché une caractéristique, le prix, à tous les biens et à tous les services. Cette caractéristique est quantifiable. La comparaison sur base de cette caractéristique se fait donc sur une base quantifiable. Telle quantité de carottes vaut telle quantité d'oignons, etc.

la propriété lucrative légitime l'appropriation d'une partie du travail d'un agent par un autre

les ressources communes sont privatisées, l'accès à la nourriture, au logement, à la vie sociale, aux transports est restreint. Les piétons pouvaient traverser la France. Aujourd'hui, sans voiture, ce serait un cauchemar de traverser ce pays : les autoroutes barrent le chemin, les voies rapides empêchent la flânerie, les barrières, les barbelés coupent de nombreux sentiers, etc. La privatisation des ressources communes a été – et est, que l'on songe à l'héroïque résistance que provoque le projet d'aéroport de Notre-Dame des Landes – l'objet d'un âpre combat, d'une âpre résistance.

Proposition 47
Le prix intègre la valeur ajoutée de la production, celle des salaires des fonctionnaires correspondant aux impôts et celle des prestataires sociaux.
Proposition 48
Le prix n'intègre pas les externalisations de la production. Ces externalisations sont intégrées dans l'ensemble des prix des autres marchandises et dans les impôts.


Note 28. L'enclosure7

Définition



Qu'est-ce que l'enclosure? Au moyen-âge, il y avait des terres communales, des moulins communaux, des fours communaux. Cela n'avait rien à voir avec une quelconque municipalité, avec de quelconques élections dans lesquelles la griserie du pouvoir émousse les amitiés les plus fidèles, non. Il s'agissait de propriétés, de biens communs, utilisables par tous.



À l'aube de la révolution industrielle, ces biens communs ont été privatisés à tour de bras. Ceci a eu comme conséquence que les gens ont dû louer leur bras pour avoir accès aux fruits de la terre au lieu de travailler eux-mêmes une terre commune pour se nourrir. Ce phénomène est connu sous le nom d'enclosure.



Histoire



L'Angleterre s'est tournée vers l'élevage à ce moment-là : le bétail est un capital qui se transporte mieux, s'exporte mieux et se conserve mieux que les légumes que faisaient pousser auparavant les peasants, des roturiers.



Parallèlement, le braconnage est criminalisé: les forêts domaniales deviennent l'apanage exclusif de leurs propriétaires. Le Black Act de 1723 criminalise le glanage, la récolte de bois mort et la chasse dans les bois des nobles. Cette loi approfondit la notion de propriété jusqu'à prononcer la peine de mort pour les braconniers. Cette acception, cette sacralisation de la propriété privée n'allait pas du tout de soi auparavant. Elle a privé les manants de ressources, de moyens de survie disponibles et les a condamnés à mourir de faim dans un pays de forêts giboyeuses8.



En Angleterre, les paysans sans terre ont eu droit à une allocation misérable de survie (la Speenhamland9), allocation payée par les impôts des classes moyennes - qui ont commencé à s'appauvrir - et distribuée par les paroisses. Les misérables après avoir été privés de leur terre devaient se contenter d'une allocation chiche alors qu'ils avaient été des paysans fiers et dignes. Les manufactures naissantes pouvaient embaucher les misérables moins chers puisqu'ils avaient déjà de quoi survivre. C'est ainsi que les classes moyennes ont dû payer les salaires que l'industrie anglaise ne souhaitait pas payer - ce qui a rendu ladite industrie la plus concurrentielle du monde à l'époque, comme vous devez vous imaginer.



Le jour où l'industrie eut besoin de davantage de bras, que croyez-vous qu'il arrivât? Mais oui, les paroisses ont coupé les robinets et les misérables tenaillés par la faim se sont précipités à l'usine pour vendre leurs bras à prix cassé.



Ressources en ligne, actualité



Phénomène d'enclosure à l'heure actuelle en mode dynamique et en anglais à Landmatrix, nature, montant, localisation des 'investissements', sur la planète entière. On parle aujourd'hui d'accaparement des terres10.