Définition et enjeux

Construction et herméneutique d'une économie de la puissance humaine

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Note 50. La démocratie syndicale


Les structures syndicales

La démocratie syndicale passe souvent par des structures. On ne peut imaginer de démocratie sociale que si tous les producteurs de la société peuvent exercer le pouvoir en connaissance de cause, en souveraineté sereine.
- Les syndicats devraient représenter l'ensemble des producteurs et non les seuls salariés en contrat à durée indéterminée. Les retraités, les invalides, les intérimaires, les chômeurs ou les malades devraient exercer pleinement leur pouvoir de producteurs.

- Les mandants devraient prendre les décisions pour exercer le pouvoir et non se borner au choix de mandataires. Ceci implique un travail d'information important et honnête, une concertation (y compris informelle) et un choix social des mandants.
Ces questions de démocratie sociale sont beaucoup plus cruciales qu'il ne peut y paraître en première analyse. En Belgique, par exemple, les syndicats représentent les producteurs dans les organes de gestion paritaires, notamment dans les organes de gestion de la sécurité sociale. Le fait que les chômeurs ou les retraités ne soient représentés de facto que par un syndicat dont les représentants ne sont cooptés que par une structure syndicale-employeur prive de facto les précaires, les chômeurs, les employés, les ouvriers ou les retraités de toute représentation dans une institution, la sécurité sociale, qui prend des décisions qui les concernent au premier chef.

En Belgique, les mandats de gestionnaires de la sécurité sociale sont par exemple détenus par des représentants des syndicats-employeurs interprofessionnels … non élus par celles et ceux qu'ils sont censés représentés. Généralement, les postes de représentation paritaire sont occupés par des syndicalistes cumulards, très compréhensifs envers les intérêts des employeurs et peu en phase avec les demandes de la base. Le gouvernement décide seul des mesures et de la politique menée par la sécurité sociale au mépris des salariés dans l'emploi ou hors emploi dont la sécurité sociale gère pourtant les salaires socialisés.

C'est d'autant plus inacceptable que les salaires sociaux sont réalisés par celles et ceux qui les reçoivent: s'ils cessent de les recevoir, ces salaires sociaux disparaissent en tant que valeur ajoutée. Logiquement, les salaires socialisés devraient être gérés uniquement par celles et ceux qui les perçoivent, les chômeurs pour le chômage, les retraités pour les retraites, les parents pour les allocations familiales ou les salariés en général pour les congés payés. Les prestations devraient être gérées par celles et ceux qui les réalisent (les prestataires) mais aussi les cotisations – les montants, les éventuelles dérogations, etc. - qui alimentent les prestations.

Par ailleurs, les syndicats en tant que tels sont des structures qui emploient du personnel. Les employés représentent leur employeur dans les différents organes paritaires. Mais le représentant payé et employé par le syndicat obéit bien sûr à celui qui lui fait son chèque : aux instances dirigeantes du syndicat. Comme on dit, qui paie le violon, choisit la musique. Les dirigeants du syndicat prennent alors le pouvoir (ou occupent éventuellement eux-mêmes les postes de représentation des travailleurs).

De ce fait, dans les organes paritaires qui gèrent les salaires des travailleurs sont représentés les organisations patronales, les organisations syndicales (qui sont des employeurs) et les représentants du gouvernement (qui est aussi un employeur). Les travailleurs, quant à eux, n'ont pas de représentant direct qu'ils puissent élire et révoquer en fonction de ses décisions alors qu'il s'agit de gérer leurs salaires à eux et à personne d'autre. C'est aussi incroyable que si les salaires individuels étaient gérés par des tiers, comme si le salarié était un mineur économique, un irresponsable.

La démocratie syndicale en Belgique

Dans un rapport récent de la confédération internationale des syndicats1, la Belgique est classée comme un pays démocratique au niveau syndical.

Ce rapport est écrit sur base des rapports des syndicats eux-mêmes. Cela pose problème quand les syndicats sont des machines de pouvoir pro-gouvernementales, quand la corruption et le népotisme y sabotent le respect du droit et des intérêts des travailleurs.

Il y a tout lieu à croire que le syndicat double (triple en comptant le petit syndicat libéral) CSC-FGTB joue un rôle de courroie de transmission du pouvoir politique - incompatible avec la démocratie sociale.

1. Les syndicats en Belgique sont censés représenter les travailleurs or les élections sociales sont organisées de telle sorte que seuls les travailleurs en CDI sont représentés. Les retraités, les invalides et la masse des précaires et des chômeurs, adhérant et cotisant ne sont pas représentés dans les instances dirigeantes des syndicats et, partant, ces instances ne doivent leur rendre aucun compte.
 
2. La gestion de la sécurité sociale est censée être paritaire or l'annonce régulière de modifications de son fonctionnement - notamment des conditions de prestation pour les chômeurs ou les pré-pensionnés - de la part du gouvernement sans la moindre concertation préalable prouve que les cogestionnaires (patrons et syndicats) font de la figuration dans ces instances.

Pourtant, nous rappelons que l'intégralité de la sécurité sociale est un salaire et qu'elle doit en conséquence être gérée par les seuls salariés et par leurs représentants élus. Les employeurs, les élus politiques et les représentants de syndicats-employeurs n'ont rien à y faire. Ces représentants doivent rendre des comptes à leurs mandants - ce qu'ils n'ont jamais fait au niveau de leurs cotisants en Belgique. De ce fait, les décisions concernant les salaires socialisés sont pris au nom des salariés sans qu'ils soient consultés, sans que leurs représentants leur rendent des comptes et sans qu'ils aient voix au chapitre.

3. Les rapports de bon voisinage entre partis politiques et syndicats sont tellement cordiaux que, régulièrement, des responsables syndicaux nationaux figurent sur les listes des partis politiques correspondants (CDH pour la CSC ou PS pour la FGTB). Variante intéressante, c'est parfois le ou la conjoint(e) d'un(e) responsable syndical(e) national(e) qui occupe un poste en vue dans le parti politique frère. Cette ambiance de syndicat à la chinoise favorise certainement les rapports incestueux entre les syndicats et les partis politiques mais le népotisme et le syndicalisme de copains, le syndicalisme proche du pouvoir, bafoue les droits des travailleurs.

4. La liberté syndicale est fortement entravée puisque, pour créer un nouveau syndicat qui soit un interlocuteur social, il faut un nombre minimum de membres (50.0002). Cette règle limite la représentation syndicale aux trois grands syndicats, des syndicats d'État inscrits dans une logique de concertation, très peu combatifs.

5. D'autre part, en Belgique toujours, ce sont les syndicats qui détiennent les mandats de la délégation et non les délégués de sorte que la hiérarchie syndicale prend l'habitude de se débarrasser des délégués trop remuants, ce sont les permanents qui décident pour les délégués et, au sein des permanents, ce sont les hauts responsables régionaux ou nationaux qui décident. Les permanents sont les employés des dirigeants et leur sont donc techniquement subalternes et inféodés.

En conséquence, en Belgique, les droits sociaux sont régulièrement sabotés par le gouvernement et par les employeurs avec la complicité active des organisations syndicales. Ceci qualifie la Belgique pour un pays de catégorie 3 ou 4 dans le rapport susmentionné.
 
1Collectif, Ituc global rights index, The world worst countries for workers, 2014, disponible ici : <http://www.ituc-csi.org/IMG/pdf/survey_ra_2014_eng_v2.pdf>.
2Informations officielles disponibles sur le site du Service Publique Fédéral, http://www.emploi.belgique.be/detailA_Z.aspx?id=950#AutoAncher1.