Définition et enjeux

Construction et herméneutique d'une économie de la puissance humaine

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L'équation de Fischer



Résumé des développements mathématiques du chapitre

Comme la production de valeur économique dépend de ce qui est dépensé, ce qui crée l'inflation, ce n'est pas la production de monnaie mais c'est ce à quoi est consacrée la monnaie produite. Une monnaie créée dévolue aux salaires ne crée pas d'inflation salariale parce qu'elle stimule la production de marchandises dans un jeu à somme nulle : il y a plus d'argent en circulation (ou autant d'argent en circulation plus rapide) pour plus de marchandises produites. Il n'y a donc pas de tension entre l'offre et la demande. La demande augmente exactement de la même façon que l'offre. Par contre, si l'on consacre la création monétaire à la rétribution de rentiers, comme ils ne dépensent pas leur argent, la quantité d'argent en circulation augmente, le rythme de circulation baisse, l'argent disponible pour les dépenses baisse au total et comme l'appareil productif est moins sollicité, comme, de ce fait, la production de marchandises diminue, l'inflation salariale, le coût des biens et des services par rapport aux salaires disponibles, s'impose. La création monétaire n'est pas inflationniste à condition d'être dévolue aux seuls salaires ; la création monétaire est inflationniste dans la mesure où elle est dévolue à la rétribution des actionnaires, des créanciers et des rentiers.



Après avoir déterminé les causes de l'inflation, les dettes en monnaie étrangère et les guerres, nous avons découvert que l'inflation salariale, la baisse de pouvoir d'achat des salaires, était la seule problématique d'un point de vue de la pérennité de l'outil économique et de la prospérité générale. À la lumière de ces quelques considérations, nous allons examiner l'équation de Fischer. Soit

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Avec M = la masse monétaire, V= la vitesse de circulation moyenne de cette masse monétaire ; P=les prix et Q la production.

Critique générale : l'équation ne tient compte que des prix et n'examine pas l'inflation par rapport à ses impacts sur l'économie. Si les prix augmentent et que cela soutient la machine économique et les producteurs, cette augmentation n'est en rien problématique. Seule est problématique l'augmentation des prix par rapport aux salaires puisque, comme nous l'avons vu, cette augmentation diminue la part des salaires dans la valeur ajoutée et, partant, diminue le taux de réalisation de la valeur ajoutée – ce qui sabote rapidement la machine économique et la prospérité des travailleurs.

Cette équation implique que

- à masse monétaire et à vitesse de circulation monétaire constantes, les prix seront inversement proportionnels à la production. C'est alors la loi simple de l'offre et de la demande reformulée.

Critique 1 : la notion de production est floue. En économie, on parle de production de valeur économique, ce qui n'a rien à voir avec la production de biens et de services.

Par exemple, l'agriculture européenne produit beaucoup plus d'aliments qu'au sortir de la deuxième guerre mondiale mais la valorisation des produits agricoles est devenue marginale sur le vieux continent. Pour éviter l'augmentation des prix – ce qui est l'option discutable d'un Friedman qui reprend cette équation quantitativiste à son compte – il faut produire davantage. Si l'on intègre notre critique, pour éviter l'inflation – mais il ne nous importe d'éviter que l'inflation salariale – il faut augmenter la production de valeur économique, c'est-à-dire augmenter les salaires, notamment les bas salaires entièrement réalisés et diminuer l'ε synonyme d'inflation salariale.

Critique 2 : une approche anti-inflationniste vulgaire des choses, tend à assimiler toute dépense à un comportement inflationniste. C'est toujours vrai à court terme mais, à moyen terme, c'est souvent absolument faux (et ce, même dans une perspective d’inflation des prix et non d'inflation salariale).

Si un industriel achète une usine de pneus, il tend le marché et induit une légère inflation dans l'immédiat puisqu'il achète des matériaux, des machines, des matières premières pour son usine mais, une fois l'usine construite, l'investissement initial et l'activité économique ultérieure entraîneront les prix du pneu à la baisse et sera in fine déflationniste. De même, si un particulier isole sa maison, il achètera des matériaux, il fera appel à de la main d’œuvre ce qui, dans l'immédiat, augmentera la demande de ces choses sans augmenter l'offre et sera donc potentiellement inflationniste mais, dans un second temps, la diminution de dépenses de chauffage sera déflationniste.



Une partie importante des dépenses sont donc éminemment productives, elles simulent l'offre plus qu'elles ne simulent la demande de biens et de services sans considération pour leur valeur économique intrinsèque. L'idée qu'une dépense est nécessairement un poids pour la société (elle augmente la demande et n'augmente pas l'offre), l'idée que l'offre, que la production est nécessairement un soutien pour la société ne sont pas neutres. Il s'y dessine en filigrane les traits d'une société où le travail productif est le seul légitimé et où l'épargne, l'accumulation est la fin de toute vie humaine.



Sans nous prononcer sur cet horizon métaphysique, nous nous permettons de rappeler que, selon nos conclusions, plus cette morale sera appliquée, plus le ε sera élevé, plus l'accumulation sera rapidec'est-à-dire, plus l'économie, faute de trouver des débouchés extérieurs, se trouvera à terme dans l'impasse. D'un point de vue strictement économique, il est impératif de s'extraire de ce piège.


- à toutes autres choses égales, la création monétaire est inflationniste

Critique 1 : ceci ne résiste pas aux faits, comme nous l'avons expliqué : la création monétaire stimule l'activité économique, elle augmente la production de valeur économique – ce que, dans cette équation, on désigne approximativement par le Q, la « production ».

Comme Q (au sens de « production de valeur économique ») augmente mécaniquement avec la création monétaire, la création monétaire n'a pas d'effet inflationniste.

Critique 2 : nous avons vu un peu plus haut dans le sous-chapitre sur la création monétaire, que ce qui est déterminant dans le caractère inflationniste de la création monétaire, ce n'est pas de savoir si la monnaie créée a une contre-valeur quelque part mais c'est son taux de réalisation. Paradoxalement, au niveau macro-économique, plus on dépense, plus on permet la création de valeur économique, moins les prix augmentent.

Ce taux de réalisation sera d'autant plus élevé – c'est-à-dire que la monnaie créée sera d'autant moins inflationniste – que la monnaie créée sera dévolue à des salaires et, notamment, à des petits salaires de sorte que cette création monétaire puisse s'intégrer dans le PIB et compenser l'épargne ε qui le grève.

- l'augmentation de la vitesse de circulation de l'argent est inflationniste

Critique : cette thèse semble difficile à soutenir alors que les échanges électroniques ont rendu cette circulation infiniment rapide sans qu'il s'en suive d'hyperinflation.

Ce n'est certes pas parce que les échanges d'argent sont plus rapides que la vitesse de circulation moyenne de l'argent va augmenter mais, à examiner la quantité quotidienne d'échange mondiaux sur les produits dérivés ou sur les monnaies, de l'ordre du tiers du PIB mondial, il devrait y avoir une inflation gigantesque dès que les bourses se mettent à spéculer sur des fonds spéculatifs or il n'en est rien.